Après un an d’enquête, la Cour des comptes rend une première étude du dispositif nommé « loi ORE » (la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants) qui inclut la mise en place de Parcoursup®. Ses conclusions sont sans appel : malgré des points positifs, de nets dysfonctionnements restent à résoudre.
Loi ORE, un dispositif pour contrer des problématiques majeures
Adoptée le 8 mars 2018, cette réforme correspond à l’ensemble des modifications des systèmes portant sur l’orientation, l’affectation et la réussite dans l’enseignement supérieur. Elle répond ainsi aux critiques formulées à l’encontre d’APB (Admission Post Bac) pour sa sélection soumise dans certains cas au tirage au sort, jugée injuste. Son objectif est d’améliorer de façon significative la réussite en premier cycle de l’enseignement supérieur et ainsi diminuer le coût conséquent de 550 millions d’euros consacré aux réorientations post bac.
Cette grande refonte bénéficie d’un budget de 867 millions d’euros sur cinq ans. Elle se base sur une notion de « continuum -3/+3 » que la Cour des comptes définit comme la « continuité entre les trois dernières années du lycée et les trois premières années du supérieur ». Afin de mesurer son efficacité, les garants du budget de l’État se sont penchés sur quatre angles d’approche :
- l’orientation
- Parcoursup®
- les conditions d’accès à l’enseignement supérieur
- la réussite étudiante alliée à la capacité d’accueil des établissements
Bilan mitigé dû à de nombreux dysfonctionnements
Malgré de réels apports grâce à ce changement de système tel que le renforcement du dialogue lycées/établissements d’enseignement supérieur, des anomalies persistantes viennent ternir le tableau.
Au niveau du secondaire, l’investissement consacré à la revalorisation de l’orientation reste très équivoque en fonction du lycée ciblé. Le bilan la désigne comme « la grande oubliée de cette réforme ». Excepté la pertinence d’une plateforme biface et l’augmentation des informations à disposition des lycéens, Parcoursup®, lui, est très critiqué pour ses risques « qui doivent être impérativement réduits ». Un code source qualifié de médiocre, son efficacité équivalente à APB et le manque total de transparence sur son algorithme (99 %de son code reste fermé) en sont un échantillon. Les conditions d’accès à l’enseignement supérieur ont été quant à elles entièrement refondues. Cependant elles manquent encore de rigueur dans leur application provoquant dès un lors « un défaut de transparence, seule garante de l’équité ». Ce, tant au niveau des classements et des critères des commissions d’examen que de la rédaction des attendus sur Parcoursup®.
Tout ceci montre un impact en demi-teinte sur l’amélioration de la réussite étudiante et sur la capacité d’accueil des établissements de l’enseignement supérieur.
Tous les détails sur le budget du ministère
À ce constat s’ajoute une inefficacité du suivi du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) dans son recrutement d’agents et son utilisation des crédits attribués.
Le problème étant qu’il « engage les finances publiques au-delà de 2022 pour 97,56 M€ annuels si les recrutements autorisés d’agents ont été réalisés depuis 2018. »
C’est donc globalement une organisation et application brouillonne de la loi ainsi qu’une mauvaise gestion et répartition entre les différents acteurs du budget alloué qui ressort de ce premier bilan. Cet état des lieux n’intervient cependant que deux ans après la mise en vigueur de la loi et lui concède une mise en œuvre « dans des conditions d’urgence » qui « a su répondre à des impératifs indispensables d’affectation des élèves grâce à l’investissement considérable des équipes du MESRI ». Suite à son analyse, la Cour des comptes dresse donc les perfectionnements à apporter au dispositif orientation du gouvernement Édouard Philippe.
Recommandations et plus forte colaboration entre les ministères
Le bilan constate que deux problématiques résultent directement de ces hautes instances :
- Un profond déséquilibre dans la répartition des 867 millions d’euros consacré à l’orientation. Ils reviennent majoritairement à l’enseignement supérieur.
- Un manque réel d’harmonisation entre les deux ministères.
Résoudre ces anomalies permettrait de répondre à plusieurs des recommandations formulées. Ces dernières sont réparties en trois catégories (orientation des lycéens, affectation des candidats sur Parcoursup® et pilotage des moyens) et visent une mise en œuvre au printemps 2022 pour les deux dernières et à la rentrée 2022 pour la première. Chacune d’entre elles est associée au ministère concerné (MENJ — Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse — ou MESRI).
On y retrouve par exemple « Inscrire un nombre d’heures annuelles consacrées à la mission d’orientation dans les obligations de service des professeurs chargés à titre principal de l’orientation, s’ajoutant aux heures d’enseignement, en contrepartie d’une augmentation de leur rémunération (MENJ) » dans le cadre de l’orientation des lycéens ou encore « Structurer une fonction d’orientation commune au MENJ et au MESRI supervisant la plateforme Parcoursup® et disposant de moyens pour l’action “orientation” par redéploiement de crédits de la loi ORE (MENJ et MESRI) » dans celui de l’affectation des candidats sur Parcoursup®.
Pour le détail, un récapitulatif de ces 15 directives est disponible au début du rapport ou à la suite des conclusions de chaque chapitre de ce dernier.
Le gouvernement ferait donc bien de les intégrer à ses prérogatives. Il reste en effet un long chemin à parcourir pour que cette Loi ORE trouve enfin grâce aux yeux des étudiants... comme à ceux des magistrats de la Cour des comptes.