Niveau des élèves en mathématiques : les écoles d’ingénieurs tirent la sonnette d’alarme

Avec la réforme du bac et la crise sanitaire du Covid-19, le niveau des élèves en mathématiques semble s’être considérablement réduit. En école d’ingénieurs, enseignants et responsables pédagogiques s’inquiètent de ce phénomène, qui prend de plus en plus d’ampleur.
Mis à jour le / Publié en mai 2022
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© pexels.com

En école d’ingénieurs, les préoccupations vont bon train. Alors que les premiers élèves issus de la réforme du lycée et du bac ont intégré l’enseignement supérieur à la rentrée 2021, leur niveau en mathématiques s’est lui, nettement détérioré, selon le corps professoral.

Ce phénomène, qui se développe dès le plus jeune âge et qui se poursuit au lycée, gagne désormais du terrain dans le supérieur et notamment, en classe prépa scientifique avant l’entrée en cycle ingénieur. Pour intégrer une classe prépa scientifique, les combinaisons de spécialités ne peuvent pas être prises en hasard. En effet, les experts recommandent de prendre la spécialité mathématiques et celle de physique-chimie, afin de bénéficier d’un bagage de connaissances et de compétences nécessaires à la réussite. Évidemment, l’option mathématiques expertes est vivement conseillée, puisqu’elle permet d’approfondir des notions essentielles aux études d’ingénierie.

De nombreux professeurs s’accordent à dire que le niveau des néo-bacheliers est en nette baisse. Pour la coordinatrice pédagogique mathématiques à l’ESILV, même si les élèves ont pris la spé mathématiques en première et en terminale, les lacunes sont bien présentes. « Il y a des notions qui ont été passées très rapidement, qui n’ont pas été approfondies », explique-elle. « Ils ont aussi plus de difficultés calculatoires, plus de difficultés en termes de raisonnement ».

La coordinatrice pédagogique, qui enseigne les mathématiques en classe préparatoire intégrée, note aussi une baisse dans les concours Avenir bac : une procédure post-bac destinée aux élèves de terminale pour intégrer une école d’ingénieurs. Le niveau minimum demandé est en chute libre « dans tous les modules, pas seulement en maths ».

Une méthodologie peu adaptée aux exigences des études supérieures

La crise sanitaire liée au Covid-19, l’enseignement à distance et le baccalauréat en contrôle continu ont eu des conséquences sur la méthodologie de travail des étudiants. En effet, ces derniers n’ont pas — ou très peu — assimilé les notions de base en mathématiques, qui doivent être acquises en écoles d’ingénieurs. C’est ce qu’observe Mounaa Dadaa, responsable du département mathématiques de l’Efrei. « Ce qui est flagrant, c’est que ce sont des étudiants qui ne savent pas travailler. Le fait qu’ils n’aient pas de notions en arithmétique, cela me dérange moins », explique-t-elle, avant de poursuivre : « Mais ce qui m’a choquée, c’est de voir qu’ils sont capables d’apprendre une centaine d’exercices avec leur correction sans chercher le pourquoi du comment ».

Les enseignants s’accordent à dire que leur façon d’apprendre a changé. L’apprentissage du par cœur est plébiscité, au détriment d’une vraie réflexion sur les notions mathématiques. « L’objectif, c’est d’avoir des bases solides. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : c’est superflu, ils n’approfondissent rien et en réalité, c’est comme s’ils n’avaient rien appris », déplore l’enseignante de classe prépa intégrée à l’ESILV. Elle rappelle que la discipline est la base de l’ingénieur et que sans cela, il sera difficile pour les étudiants de poursuivre dans le supérieur. « Les mathématiques, c’est une formation de l’esprit et une question de logique. Ce sont des outils nécessaires pour réussir en sciences de l’ingénieur, en mécanique, en physique et en informatique », ajoute l’enseignante de maths de l’ESILV.

« Au lycée, on vous apprend à utiliser la calculatrice. Dans une école d’ingénieur, on va vous apprendre à la construire, à la concevoir » Mounaa Dadaa

La génération Z ne travaille pas comme ses prédécesseurs et les responsables pédagogiques l’ont bien remarqué. « La génération d’aujourd’hui, si elle ne voit pas l’utilité dans ce qu’elle doit faire, elle ne le fera pas », précise Mouna Dadaa. Cette vision est problématique lorsqu’on aspire à devenir les ingénieurs de demain. « À Efrei, on forme des ingénieurs du numérique qui vont communiquer avec une machine et pour cela, on a besoin du langage des maths pour comprendre la machine et faire de l’informatique. Au lycée, on vous apprend à utiliser la calculatrice. Dans une école d’ingénieur, on va vous apprendre à la construire, à la concevoir », avertit-elle.

Des remises à niveau pour les étudiants en difficulté

Pour répondre à ces problématiques urgentes, les écoles d’ingénieurs se concertent et proposent des solutions concrètes. Cela passe par des sessions de remise à niveau. Morgan Saveuse, directeur des études à CESI, indique que la baisse de niveau était visible bien avant la réforme. Selon lui, d’année en année, les pré requis scientifiques sont moins bien maîtrisés par les étudiants. « Il nous a semblé nécessaire de développer des outils de remédiation pour positionner l’élève et lui donner une feuille de route pour qu’il revienne au niveau attendu », explique-t-il. « Le constat, ce sont des inégalités d’accès, parfois pédagogiques, aux supports, aux enseignants, des difficultés structurelles », indique de son côté Gilles-Alexis Renaut, ingénieur pédagogique à CESI. « On remarque quand même qu’il y a un effort fait par toutes les écoles pour essayer de garder une pérennité des actions positives ».  

« Les apprenants sont lucides et conscients de la situation, ils sont ravis de voir qu’on met en place des actions pour les accompagner » Gilles-Alexis Renaut

Les grandes écoles d’ingénieurs ont donc trouvé des solutions d’accompagnement pour venir en aide aux étudiants. Cela passe par des plans de remédiation, des ateliers de remise à niveau ou encore un accompagnement personnalisé dès le premier semestre. À CESI, les responsables pédagogiques misent sur une « individualisation de la formation » qui permet de « gagner en efficacité » et de se concentrer uniquement sur les difficultés. « On a mis en place un système d’analyse avec deux dimensions : une première sur les chapitres qui sont vus dans les formations et une autre sur la partie compétences transversales qui doivent être développées sur ces chapitres », affirme Gilles-Alexis Renaut. « Avec ce diagnostic, l’apprenant peut factuellement regarder là où il est bon et où il a des lacunes. Les apprenants sont lucides et conscients de la situation, ils sont ravis de voir qu’on met en place des actions pour les accompagner ».  

Avec ce système, l’étudiant peut voir sa progression individuelle, mais aussi collective en classe avec ses camarades de classe et ses professeurs. « Ils ont des cours qui permettent d’avoir des apports de connaissances et de revenir sur certaines notions », précise le directeur des études. « C’est un processus qui s’inscrit sur la durée, ça prend du temps, de l’entraînement et de la persévérance », prévient l’ingénieur pédagogique. « Dans cet esprit, on leur donne des clés, des outils ludiques pour contextualiser et donner du sens aux disciplines ».

Étudier en école d’ingénieurs : ce qui est préconisé

Si les mathématiques sont importantes pour avoir la main heureuse, les disciplines scientifiques le sont aussi. Ainsi, les établissements recommandent aux bacheliers d’opter pour un couplage scientifique. « Garder les spécialités de matières scientifiques et mathématiques, c’est important. On note ceux qui ont pris l’option maths expertes et les autres », explique Morgan Saveuse. « Les options sont des prérequis pour certains chapitres que l’on aborde à l’école, comme les nombres complexes et les matrices, qui permettent d’aborder sereinement les autres champs disciplinaires comme les sciences physiques », préconise Gilles-Alexis Renaut.

Pour intégrer l’ESILV, les spécialités Mathématiques et Physique-chimie sont obligatoires en classe de première, mais pas nécessairement en terminale. Les élèves peuvent donc choisir une autre spécialité, comme les Sciences de la vie et de la terre (SVT), les Sciences de l’Ingénieur (SI) ou Numérique et Sciences Informatiques (NSI). Quant à l’option mathématiques expertes, les responsables sont conscients que le niveau n’est pas toujours en rendez-vous. « Certains lycées ne proposent pas l’option et n’ont pas pu assurer des cours avec le COVID. Donc on essaie de mettre en place un complément en maths pour permettre aux étudiants de suivre une année supérieure sereinement », confirme la coordinatrice pédagogique de l’ESILV. 

Dans un contexte d’attractivité pour leurs formations, les écoles d’ingénieurs aspirent à recruter des profils plus variés. Avec le retard accumulé des étudiants en mathématiques, le chemin est encore long et semé d’embûches. Néanmoins, la pluridisciplinarité est préconisée pour confronter tous les points de vue dans une société de plus en plus numérique et diversifiée. 

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