Gilets jaunes, grèves des transports, 49.3 : si l’on se penche sur l’actualité politique en France, on ne peut pas dire que l’ambiance est au beau fixe... Dans ce contexte de tensions sociales, les Français seront bientôt invités à se rendre aux urnes pour élire leur prochain maire. Un événement qui inquiète, puisqu’en 2014, les dernières municipales atteignaient déjà un record d’abstention à plus de 36%. Parmi les plus touchés par ce fléau : la jeunesse. Si le constat est là, Diplomeo a tenté de comprendre les raisons de l’abstention de la génération Z, et plus largement de faire un tour d’horizon de son approche de la politique. Une enquête Parole aux Jeunes menée auprès de 3175 jeunes, âgés de 16 à 25 ans.
Municipales : les jeunes s'intéressent-ils à la politique ?
Les 16-25 ans se détournent-ils en masse de la politique ? Sont-ils tout simplement désintéressés par le sujet ? D’après notre enquête, pas autant qu’on ne le pense. En effet, 55% des jeunes affirment s’intéresser aux élections municipales de 2020, dont 17% “beaucoup” et 38% seulement “un peu”. Et lorsqu’il s’agit de l’actualité politique dans son ensemble, ils sont bien plus nombreux. En effet, 76% d’entre eux déclarent suivre l’actualité politique, dont 32% de manière régulière.
Pour s’informer sur cette actualité, les jeunes varient les supports :
Découvrez quel est le réseau social préféré de la génération Z !
- 72% passent par les réseaux sociaux,
- 66% regardent la télévision,
- 54% échangent avec leur entourage,
- 39% consultent la presse web,
- 31% écoutent la radio,
- et 22% lisent la presse papier.
L’attention de la génération Z quant à la politique semble donc sélective, et les municipales passent un peu à la trappe. À vrai dire, 40% des jeunes interrogés ne savent même pas qui sont les candidats dans leur ville et 20% ne connaissent pas leur maire. Et lorsqu’on se penche sur les autres représentants politiques, c’est encore pire : 71% ne savent pas qui est leur député, 86% ne connaissent pas leur député européen et 90% n’ont aucune idée de qui est leur sénateur...
Vote blanc, RIC : des outils alternatifs pour s’exprimer
En ce qui concerne le vote, 45% des répondants ayant entre 18 et 25 ans affirment voter toujours ou presque lorsqu'une élection a lieu en France. Quant au reste, ils exercent parfois leur droit, voire jamais… Mais au-delà de l’acte même du vote, quel est leur regard sur le système actuel ? Pour les 16-25 ans, le vote en France est avant tout :
- Mal utilisé (36%)
- Démocratique (31%)
- Important (29%)
- Nécessaire (29%)
- Insuffisant (26%)
- Illusoire (22%)
- Obsolète (19%)
La démocratie directe en place dans l’Hexagone semble donc clairement avoir ses limites pour la génération Z. Si c’est avant tout par désintérêt (39%) que certains jeunes ne votent pas, 36% de ceux qui ne mettent pas leur enveloppe dans l’urne affirment que c’est parce qu’ils ne se sentent pas représentés par les partis en lice et 31% parce que le vote blanc n’est pas comptabilisé.
Et cette idée a du succès même chez ceux qui votent ou qui n’en ont pas encore le droit : au total, 66% des 16-25 ans pensent que le vote blanc devrait être pris en compte. Quant au RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne), proposé l’année dernière par des gilets jaunes, 48% sont pour son instauration et 34% n’ont pas d’avis sur le sujet. Au final, à peine un dixième d’entre eux sont contre et trouvent que le RIP (Référendum d’Initiative Partagée), actuellement en vigueur en France, est suffisant.
Éducation, santé, égalité des genres, écologie : des intérêts différents selon les profils
Si les étudiants manifestent un certain désintérêt pour la politique, ils tendent pourtant à porter une grande attention à des sujets de société particuliers. Parmi les thématiques qui les intéressent le plus, on retrouve :
- L’éducation (67%)
- La santé et l’égalité femme/homme (60%)
- L’écologie (59%)
- L’emploi (56%)
- La justice (53%)
- L’économie (49%)
- La protection sociale (48%)
- La sécurité (47%)
- La discrimination (42%)
- Le logement (37%)
Pour les femmes, c’est l’égalité femmes-hommes (74%) qui a le plus d’importance, suivie par l’éducation (70%), la santé (67%), l’emploi (60%) et l’écologie (59%). Quant aux hommes, l’égalité des genres n’apparaît même pas dans leur top 5… En effet, seulement 46% affirment que ce sujet leur importe. L’éducation (64%) a pour les jeunes hommes une plus grande importance, mais ils jettent aussi leur dévolu sur l’écologie (59%), l’économie (57%), l’emploi (53%) et la santé (53%).
Les thématiques qui importent le plus aux jeunes (par tranche d'âge et par genre)
Femmes | Hommes | 16-18 ans | 19-21 ans | 22-25 ans | |
Éducation | 70% | 64% | 68% | 66% | 67% |
Santé | 67% | 53% | 58% | 60% | 62% |
Égalité F/H | 74% | 46% | 66% | 61% | 54% |
Écologie | 59% | 59% | 61% | 58% | 58% |
Emploi | 60% | 53% | 44% | 60% | 64% |
Justice | 55% | 51% | 54% | 55% | 51% |
Économie | 41% | 57% | 48% | 46% | 53% |
Protection sociale | 54% | 42% | 46% | 46% | 51% |
Sécurité | 51% | 45% | 45% | 50% | 48% |
Discrimination | 50% | 35% | 45% | 42% | 41% |
Logement | 41% | 34% | 33% | 37% | 42% |
Quel que soit leur sujet de prédilection, les 16-25 ans s’accordent en grande majorité sur une chose : les responsables politiques ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Effectivement, 8 sur 10 ne se sentent pas représentés par les responsables politiques et considèrent que ces derniers ne répondent pas aux enjeux politiques qui les intéressent. Un sentiment particulièrement accru chez lesfemmes, qui sont 84% à ne pas se sentir représentées (contre 76% d’hommes) et 87% à penser que les sujets qui leur importent ne sont pas pris en compte par leurs élus (contre 80% des garçons). Il faut dire que la politique divise les filles et les garçons. En tendance, ces derniers se sentent mieux représentés et manifestent davantage d’intérêt pour le sujet. Pour exemple, 40% des garçons suivent régulièrement l’actualité politique, contre seulement 23% des filles.
Mais si les femmes et les hommes tendent à aborder la politique différemment, leurs sentiments se rejoignent quant aux personnalités politiques. Dans l’ensemble, 57% de la génération Z évoque avoir un rapport de méfiance avec les femmes et les hommes politiques. 39% ressentent quant à eux du désintérêt, 32% du respect, 19% du mépris et 18% de la honte.
Une jeunesse dans l’action ?
S’ils se sentent globalement insatisfaits de la situation politique en France, les étudiants ne sont pourtant pas extrêmement actifs dans le domaine : au total, 37% déclarent avoir participé à au moins une action politique récemment. Un quart d’entre eux est allé à des manifestations, 1 sur 10 à des meetings, des blocages ou des assemblées générales et 13% ont déjà pris part à un ou plusieurs rassemblements des gilets jaunes. Parmi ceux qui ne participent pas à des actions politiques, 34% ne sont tout simplement pas intéressés, 24% n’ont pas le temps et 23% ne sautent pas le pas car ils ont le sentiment que c’est inefficace.
Même s’ils sont seulement 37% à être actifs politiquement, 66% de tous les sondés expriment leur envie de participer à des actions à l’avenir, notamment à des manifestations (25%), à des meetings ou à des assemblées générales (19%). Quant à leur engagement dans des structures dédiées, les associations attirent bien plus que les syndicats et les partis politiques :
- 14% songent à intégrer un parti et 4% le sont déjà
- 14% pensent à se syndiquer et 2% le sont déjà
- 37% aimeraient s’engager dans une association et 25% le sont déjà
Même si une part d’entre eux est clairement désintéressée par la politique, les 16-25 ans semblent donc avoir l’envie d’exprimer leur opinion via d’autres pratiques que le vote tel qu’il existe aujourd’hui. Face à des décisions politiques qui paraissent, pour la majorité d’entre eux, trop éloignées de leurs aspirations, les jeunes chérissent le système électoral en France, mais perçoivent ses défauts.