La Conférence des grandes écoles (CGE), en collaboration avec l’AFMD et Clermont SB, a publié son baromètre 2025 sur les stéréotypes de genre. Comme les autres éditions, ce quatrième opus vise à dresser un état des lieux des stéréotypes qui existent chez les étudiantes et étudiants des grandes écoles françaises de commerce et d’ingénieurs. Cette année, plus de 3000 apprenants issus de 89 établissements de formation membres de la CGE ont répondu.
Par rapport aux dernières éditions, la part des étudiantes et étudiants qui déclarent que les femmes et les hommes ont les mêmes compétences et qualités professionnelles est en léger recul : 79,2 % contre 80,1 % en 2023 ou même 82,4 % en 2021. La CGE alerte sur la persistance des stéréotypes tout en réaffirmant sa confiance dans la capacité des écoles à sensibiliser leurs étudiants aux enjeux d’égalité.
Vers une résurgence des stéréotypes de genre chez les jeunes ?
Tanguy Bizien, responsable des études de l’AFMD, observe que « les étudiants et étudiantes se considèrent égalitaires », mais il constate tout de même une « érosion de la perception de l’égalité entre les femmes et les hommes ». S’il appelle d’abord à la prudence, dans le cas où le recul de la part des étudiants qui déclarent que les femmes et les hommes ont les mêmes compétences et qualités professionnelles serait lié à la variabilité de l’échantillon, un deuxième scénario est aussi envisagé.
Pour lui, ce recul peut être le symptôme de quelques « effets de polarisation plus forts sur les questions de genre ». Il prévient : cela peut être « le signal faible de quelque chose qui est en cours et qu’on n’arrive pas forcément à nommer. »
Dans le détail, les chiffres de l’édition 2025 du baromètre s’appuient sur les réponses de 3114 étudiants.
51,3 % des répondants sont des femmes et 48,7 % des hommes.
80,7 % des répondants étudient dans une école d’ingénieurs et 19,3 % sont en école de commerce.
45,3 % des répondants ont 21 ou 22 ans. 35,5 % ont entre 16 et 20 ans et enfin, 19,2 % ont 23 ans ou plus.
En commentant les résultats du baromètre, Tanguy Bizien et Pascale Borel, enseignante-chercheure en Marketing à Clermont School of Business, dressent le portrait de stéréotypes de genre qui ont des « ancrages très forts », dès la maternelle et l’école primaire. Et pour cause, parmi les 79,2 % étudiants dits « égalitaires », une grande part attribue des compétences selon les genres :
- 52,7 % attribuent aux hommes les compétences liées à la confiance en soi, 40,2 % la gestion du stress et 37,7 % l’autorité
- 76,5 % dotent les femmes des compétences liées à l’empathie, 68,9 % les dotent de l’écoute et 68,6 % de sensibilité
L’autocensure a la vie dure chez les femmes
Le baromètre 2025 sur les stéréotypes de genre de la CGE montre que les femmes ont tendance à se juger plus sévèrement que les hommes, qui, de leur côté, leur attribuent davantage de clichés qu’à eux-mêmes :
- En moyenne, les étudiantes s’attribuent 4 auto-stéréotypes tandis que leurs homologues masculins s’en attribuent 3
- Les étudiants masculins projettent en moyenne plus de 3 stéréotypes sur leurs camarades féminines, contre un peu moins de 2 dans l’autre sens
Le baromètre fait la lumière sur les auto-stéréotypes : « ils renvoient aux croyances qu’un individu a sur son propre groupe d’appartenance (une femme sur les femmes ; un homme sur les hommes). »
Pascale Borel constate que les auto-stéréotypes sont à l’origine des comportements d’autocensure chez les femmes. « Ils sont très déterminants dans les choix de formation et les choix professionnels », poursuit-elle. Bonne nouvelle du côté de l’auto-évaluation : les étudiants et étudiantes se disent plus ambitieux qu’auparavant, sans différence notable entre les sexes.
Les études supérieures : le bastion des bonnes pratiques
Le baromètre de la CGE se penche également sur les potentiels vecteurs de stéréotypes de genre. Les étudiants interrogés en identifient trois principaux : « la société en général » (79,9 %), « les réseaux sociaux » (63,5 %) et « les médias » (57,3 %).
Pour Tanguy Bizien, deux enseignements sont à tirer de ces chiffres. D’un côté, ils « engagent les écoles à travailler sur la question des réseaux sociaux », affirme-t-il. « Il y a de nouvelles formes de normes de féminité et masculinité qui sont produites. Il faut former les étudiants à les identifier pour les déconstruire », poursuit-il.
De l’autre côté, les écoles n’étant que très rarement citées par les répondants comme porteuses de stéréotypes de genre, Tanguy Bizien caractérise les établissements de formation comme des « lieuxneutres », dans lesquels il y a « toute latence pour travailler les questions d’égalité des genres pendant 5 ans. »