Pour rappel, depuis la rentrée 2021, le DUT (Diplôme universitaire de technologie) est progressivement remplacé par le BUT (Bachelor universitaire de technologie), désormais en trois ans post-bac. Il faudra donc attendre encore deux ans, afin que les premiers inscrits en Bachelor universitaire soient diplômés.
Cependant, des signaux positifs apparaissent déjà, un an après la réforme. Martial Martin, président de l’ADIUT (l’Assemblée des Directeurs d’IUT) et directeur de l’IUT de Troyes, revient sur le sujet pour Diplomeo !
Si le programme et le temps de formation ont été modifiés, la méthode de recrutement, elle, n’a pas changé. Pour s’inscrire en BUT, il faut toujours passer par la plateforme d’orientation post-bac, Parcoursup®. Bonne nouvelle pour les IUT : les candidatures pour l’année 2021/2022 ont été aussi nombreuses que l’année précédente. « On pouvait redouter que certaines familles optent pour le choix du BTS puis de la licence pro, mais ce n’est pas ce qui s’est passé, donc on est satisfait », confie le président.
Diplôme en trois ans, admissions parallèles, conseil de perfectionnement : ce qui change avec la réforme
Le système DUT/BTS puis licence pro, nécessitait de suivre un processus d’admission par deux fois durant le premier cycle LMD. En réponse à cet état de fait, le Bachelor universitaire de technologie a été créé pour « sécuriser le parcours des jeunes », insiste Martial Martin. De fait, ils s’engagent directement sur trois ans d’études et n’ont qu’une sélection à passer. Par ailleurs, les admissions parallèles ont été facilitées, et ce, tout au long du parcours. « À l’horizon 2023-2024, on devrait être à 170 000 étudiants au total », affirme le président.
En outre, l’ensemble des programmes a été réécrit en approche par compétence. Ce nouveau programme accueille le tiers temps régional : la grande nouveauté de cette rentrée. Mais de quoi s’agit-il ? Si 67 % des enseignements sont issus d’un programme national, dorénavant 33 % correspondent à une adaptation locale. Le référentiel a d’ailleurs été coécrit avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux. « C’est une spécificité des IUT depuis longtemps que de ne pas avoir un programme complètement écrit de manière déconnectée par des universitaires », renchérit Martial Martin. Mise en situation d’apprentissage, acquisition de compétences techniques par les travaux pratiques et travaux dirigés, projet mené en quasi-autonomie… Toute la pédagogie a été restructurée autour de nouveaux formats.
« Notre vocation, c’est d’accueillir des bacheliers technologiques pour la moitié de nos places. »
L’objectif de cette adaptation est que le même diplôme soit valable partout en France, tout en prenant un temps pour des activités pédagogiques pensées avec les acteurs locaux, économiques et sociaux des territoires. « La Champagne-Ardenne est un territoire très agricole dans les pratiques professionnelles, donc lorsque dans un BUT GEA, on utilise 1/3 du temps sur des spécificités qui sont liées aux règles comptables dans le milieu agricole, ça a du sens », rappelle le président. La finalité est que les étudiants entreprennent dans l’économie locale.
Autre nouveauté : les conseils de perfectionnement. Cette réunion annuelle sera composée d’enseignants, d’étudiants et de diplômés. Elle aura pour but de faire évoluer les pratiques pédagogiques en faisant en sorte que le tiers temps régional soit orienté vers le contexte social et économique des territoires.
Toutefois, la répartition des lycéens dans les 108 IUT français ne s’est pas faite de la même manière. Martial Martin souligne une hausse significative de candidatures de la part des bacheliers STMG (Sciences et technologies du management et de la gestion). Ce qui n’est pas pour déplaire aux établissements : « Notre vocation, c’est d’accueillir des bacheliers technologiques pour la moitié de nos places. », ajoute-t-il. Si cette formation est toujours aussi sélective, la cible a quelque peu évolué.
Les bacs technos : mal-aimés du peuple, privilégiés des IUT !
C’est une nouveauté qui est arrivée avec la réforme : les IUT accueillent désormais 50 % de bacheliers technologiques. L’ADIUT souhaite que les familles de lycéens intègrent ce changement dans leurs stratégies et se départissent des représentations sociales qu’il peut y avoir à propos de ces diplômes. « Notre mission doit être comprise par les parents et les lycéens pour faire évoluer leur stratégie en termes de choix de filière », souligne Martial Martin.
« Vous avez plus de chances d’entrer dans un IUT quand vous faites STMG, STI2D ou STL plutôt qu’un bac général. »
Cette préférence se traduit également dans la méthode de recrutement. La moyenne demandée à l’admission pour les bacs généraux peut être supérieure à celle exigée aux bacheliers technologiques. Là encore, il faut prendre cet élément en compte dans la stratégie d’orientation, d’après le directeur d’IUT : « Les quotas réservés aux bacs technologiques ont augmenté, donc, comme leur nombre est relativement stagnant, statistiquement, vous avez plus de chances d’entrer dans un IUT quand vous faites STMG, STI2D ou STL plutôt qu’un bac général. » Et les chiffres Parcoursup® dévoilés par le ministère de l’Enseignement supérieur le confirment : pour la session 2022, 33,5 % de néo-bacheliers des filières technologiques ont reçu au moins une proposition d’admission en BUT, contre 18,1 % pour les filières générales.
Pour l’ADIUT, il est clair que le choix de filière doit se faire dès la seconde et qu’il doit être assumé. « Un lycéen qui souhaite faire du marketing ou de la communication n’a pas de raison d’aller en bac général. De la même manière, si on veut travailler dans le domaine du génie chimique, de l’environnement ou de la qualité de l’eau, le mieux, c’est d’aller vers un Bac STL, puis un BUT chimie », affirme Martial Martin, qui pointe du doigt l’échec de « l’école républicaine » à rééquilibrer les chances dans l’enseignement secondaire.
Selon le directeur de l’IUT de Troyes, les jeunes issus de milieux modestes sont souvent orientés vers un bac pro ou un bac techno : « Le ministère de l’Enseignement supérieur nous a fixé pour mission d’accomplir cette tâche de rééquilibrage, d’équité, de possibilités de faire réussir les plus modestes dans l’enseignement supérieur, d’où ce taux de bacheliers technologiques à hauteur de 50 % dans nos IUT, qui correspond à nos valeurs. », reprend-il. Un engagement donc, en faveur de l’égalité des chances et de l’équité sociale, mais aussi de la professionnalisation.
Une hausse considérable de l’alternance en deuxième année
Outre la provenance des diplômés, l’ADIUT remarque que les bachelors du tertiaire attirent beaucoup plus que les formations industrielles. En témoigne le nombre d’inscrits en alternance en deuxième année, qui explose dans certaines filières. Ainsi, les alternants en BUT TC (Techniques de commercialisation) ont augmenté de plus de 48 % et de plus de 38 % pour le BUT GEA (Gestion des entreprises et des administrations).
Le président précise néanmoins qu’il y a un tiers d’étudiants en moins dans cette dernière filière. En effet, toutes les spécialisations sont inégalement réparties sur le territoire : « On avait des départements tertiaires où il y avait peu ou pas d’alternance, par exemple, carrières sociales. Notre Bachelor orienté vers la médiation sociale fait plus de 375 %, mais les masses ne sont pas du tout les mêmes, parce que ce sont de petits départements. Il n’y en a pas partout en France ».
Concernant les autres mentions, le BUT Carrières juridiques, également un petit département, a vu son taux d’alternants en seconde année, grimper de plus de 74 %. Sur les filières MMI (Métiers du multimédia et de l’internet), c’est plus de 124 %. Le taux de pression est moindre sur les filières de production, comparé aux « mastodontes » que sont les BUT commerciaux, bien que le bilan soit aussi satisfaisant de ce côté-là. « Sur le BUT Génie mécanique et productique, on a plus de 67 % de progression, 68 % sur le BUT génie électrique et informatique industriel, plus de 50 % sur le BUT génie civil construction durable. », rassure Martial Martin. Au total, les IUT ont accueilli 50 % d’alternants supplémentaires en deuxième année dans l’ensemble des filières.
Pour Martial Martin, l’alternance est une bonne manière de connecter les étudiants à la réalité du terrain, dans les entreprises ou organisations : « Les jeunes ont une mentalité différente d’il y a 4 ou 5 ans et vivent l’alternance comme une vraie voie d’excellence. » Rappelons que l’inflation atteint des taux records et que par conséquent la vie étudiante n’a jamais été aussi chère qu’aujourd’hui. Cela a sans doute un impact sur l’intérêt plus poussé des étudiants envers ce mode de scolarité.
Tertiaire en tension, filières techniques désertes : les jeunes boudent-ils les métiers de l’industrie ?
Si le contrat a été rempli pour les bacheliers en management, les filières industrielles, elles, peinent à trouver leur public. En cause : un manque d’élèves qualifiés. Le président déplore le fait que l’on puisse arriver à seulement 25 ou 30 % de bacheliers STI2D dans un BUT génie électrique ou réseau et télécom : « On oriente insuffisamment les jeunes vers l’industrie, vers les métiers de la production, vers les métiers de la transformation et c’est un vrai problème. » Selon lui, le chemin de la décarbonation sera encore long si on ne les oriente pas vers tous les métiers de l’ingénierie.
Et les enseignements de spécialité (EDS) à la carte y seraient pour quelque chose. « On n’a pas forcément conscience, quand on a 15 ans, qu’un choix d’EDS peut avoir des répercussions. Si on ne fait plus du tout de mathématiques en première ou en terminale, c’est très compliqué, voire quasi impossible, de s’orienter vers une filière d’ingénierie. » Le président assure qu’il y a de très belles opportunités dans l’industrie, avec le remplacement des générations et de nombreux départs en retraite. La profession serait en attente de profils adaptés.
Pour accueillir et faire réussir les bacs technos, les IUT sont allés les chercher. Multiplication des cordées de la réussite, explication de la réforme aux professeurs en sections technos dans les lycées, travail d’acclimatation soutenu : les IUT ont redoublé d’invention pour faire découvrir cette filière. Mais ce n’est pas tout ! En vue de valoriser la voie technologique, les instituts universitaires ont pour projet la mise en place d’un summer camp à Reims, l’an prochain, à destination des bacheliers STI2D. Cette opération séduction renforce plusieurs innovations apportées par cette réforme. Pourtant, une tâche apparaît quand même au tableau.
Financement : Les IUT veulent des preuves d’amour et non des mots
Si l’herbe semble plutôt verte du côté des IUT, la réforme des BUT a, semble-t-il, desservi certains établissements comparés à d’autres. « Localement, un certain nombre d’IUT ont moins les capacités internes de déployer la troisième année compte tenu de leurs ressources humaines », nous explique le président. Toujours selon ses dires, d’autres IUT ont plus de difficultés à recourir à l’alternance que sur les « grands centres urbains », car ces derniers peuvent plus facilement « s’autofinancer ».
L’ADIUT a alerté la DGESIP (Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle), mais également France Universités, sur la nécessité d’apporter un soutien concret, notamment aux IUT des territoires d’outre-Mer : « Ce serait une réforme vraiment peau de chagrin, si on ne finançait pas un peu et honnêtement 150 postes d’enseignants titulaires en 2023. » Martial Martin estime le coût de cette dépense à 4 millions d’euros. Somme qu’il juge raisonnable et en adéquation avec les grandes orientations données par le président de la République Emmanuel Macron et la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. « Ce que j’attends, ce ne sont pas simplement des paroles d’amour, mais des signes d’amour pour la formation professionnelle. »
Globalement, les IUT sont satisfaits de cette révision du DUT, puisque le taux de réussite serait équivalent aux années précédentes. Martial Martin se réjouit de la nouvelle articulation entre situation d’apprentissage et ressources pédagogiques, dont le corps enseignant et les étudiants auraient réellement compris l’intérêt. « On est à nouveau dans une vie quasi normale et on pense qu’en 2022-2023, on aura une meilleure réussite. C’est ce qu’on vise avec la réforme du BUT », conclut-il.
Ces modifications profondes ont pour but de renforcer les deux finalités principales du Bachelor universitaire : intégrer directement le marché du travail ou poursuivre ses études en master.