Le mardi 21 juillet 2020, une annonce fait grand bruit. Dans une interview accordée au Parisien, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal annonce l’ouverture de 10 000 places supplémentaires dans diverses filières du supérieur.
Face à un taux de réussite inégalé (95,7 % de bacheliers) pour cette session labellisée Covid-19, la question de la saturation d’accueil dans l’enseignement supérieur vient à se poser. À chaque problème sa solution : d’une réunion en haut lieu ressort cette mesure inespérée. Entre les gestes barrières et la fenêtre d’ouverture extrêmement mince avant la rentrée 2020, cela semble pourtant mission impossible pour nombre de responsables d’établissements.
Un accueil low cost des étudiants ?
Le ministère a annoncé un plan d’accueil ambitieux avec un financement de 10 000 places supplémentaires.
En plus des 3000 places en BTS précédemment annoncées par le ministère, ce sont 2000 places subsidiaires en soins infirmiers qui viennent compléter le tableau. Ceci dans le but de répondre à la forte demande dans les filières sanitaire et sociale ou paramédicale. Près de 5000 places de ce dispositif seront réservées aux licences en tension. Grâce à l’aide à la mobilité et aux cours à distance, il souhaite créer une nouvelle répartition des étudiants, tout particulièrement pour ceux situés en zone géographique sous tension comme l’Île-de-France. Enfin la création de « formations courtes » vient compléter la stratégie de désengorgement de l’enseignement supérieur. Il s’agirait de cursus complémentaires au baccalauréat sur un an. Leur but serait d’augmenter les chances d’insertion professionnelle. Autrement, des dispositifs tremplins seront disponibles pour affiner le projet d’orientation des bacheliers encore indécis. La rentrée serait dans ce cas décalée au 1er octobre, car le temps manque pour monter ces nouveaux cursus avant septembre.
Mais alors, ces formations créées dans l’urgence pour faire face à la demande, alliées aux manques de moyens et de places, garantiront-elles un apprentissage de qualité aux néo-étudiants ? Dans son témoignage pour Les Échos, Nathalie Dompnier, présidente de l’université Lumière Lyon-2, semble en douter. D’après cette dernière, en augmentant les effectifs, la détérioration des conditions d’accueil est inévitable au regard du ratio coût/financement d’un étudiant, avec un nombre d’élèves par classe toujours plus élevé. Ceci corrélé à l’impératif sanitaire d’alléger ces mêmes groupes, l’annonce de Frédérique Vidal ressemble, pour un certain nombre de responsables de l’enseignement supérieur, davantage à une mission impossible qu’à une solution viable.
« Les calculs sont pas bons, Kévin ! »
Cette augmentation des effectifs en études supérieures apparaît comme une lueur d’espoir pour les 9 500 candidats Parcoursup® restés sur le carreau*. Cependant, un gap persiste entre théorie et pratique. Les différents acteurs de l’enseignement supérieur sont unanimes : le coût moyen d’une place est mal étalonné puisque le ministère l’évalue à 1600 €, quand le milieu de l’enseignement supérieur l’estime entre 4 000 et 6 000 €.
Ce premier désaccord rejoint un second constat implacable : la tension des places en université, arrivée à son apogée. Le problème est pourtant signalé depuis de nombreuses années, tant par les syndicats que par les acteurs de l’enseignement supérieur. Pour eux, la qualité d’accueil des étudiants passe par un recrutement incontournable de professeurs présents à l’année et non de vacataires. Mais comment ouvrir des places supplémentaires quand les fonds nécessaires peinent à suivre ?
À ces enjeux financiers constatés dès le confinement au moment des partiels, s’ajoutent les facteurs de temps et de santé publique en période d’épidémie de coronavirus. « Dans certains cas, il faudra louer des locaux pour étendre les capacités. Ou faire des travaux d’aménagement, mais c’est évidemment trop tard, nous ne sommes plus en capacité de réagir » conclue Christine Gangloff-Ziegler dans ses déclarations à La Croix. La CPU réclame dès à présent « une réunion d’urgence, sous l’égide du Premier ministre ». Affaire à suivre.
*Nombres de candidats ayant fait appel à la CAES (Commission d’Accès à l’Enseignement Supérieur), son rôle est d’étudier les dossiers qui lui sont soumis dans le but de proposer une affectation. Le nombre de lycéens sans proposition à l’issue de la phase d’admission s’élève en réalité à plus de 50 000.