« S’informer, choisir, candidater ». Le ministère de l’Enseignement supérieur a lancé une nouvelle plateforme, Mon Master.gouv.fr, pour s’inscrire dans un cursus de niveau master à partir de la rentrée 2023. En ligne depuis le 1er février, les étudiants concernés peuvent d’ores et déjà s’y rendre pour consulter l’offre de formation disponible dans l’Hexagone.
Selon le gouvernement, le portail recense 3 500 mentions et 8 000 parcours de master. Ce sont les commissions pédagogiques des établissements d’enseignement supérieur qui se chargeront de la candidature des jeunes.
Mon Master ne « règlera pas tous les problèmes », selon l’UNEF
C’était une promesse de la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. Un portail unique pour tous les étudiants afin de consulter tous les masters disponibles sur l’ensemble du territoire et y postuler. « Cette nouvelle plateforme va simplifier la vie des candidats. Elle va mieux les informer sur toute l’offre et leur permettre de candidater en une seule fois », expliquait également Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur, à l’occasion d’un salon étudiant en janvier dernier.
Néanmoins, ce nouveau dispositif est loin de faire l’unanimité au sein de la communauté estudiantine. Dans un communiqué publié dans le sillage du lancement du site, l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) dénonce la plateforme sur deux aspects. D’une part, un renforcement de la sélection en master avec des étudiants qui ne pourront pas s’inscrire. D’autre part, la crainte d’une mobilité forcée.
📣La plateforme "Mon Master" ouverte hier par @gouvernementFR, présentée comme simple lieu de candidature unique pour les étudiant.e.s, est en réalité un accélérateur de la sélection en master. 👇 Notre communiqué ici pic.twitter.com/kX2lBEKKBW
— UNEF (@UNEF) February 2, 2023
« Cette plateforme règle certaines problématiques qui étaient propres à l’accès en master, notamment la multiplication des dossiers à faire sur des plateformes différentes pour chaque université », admet Imane Ouelhadj, étudiante en Sciences politiques à l’université Paris-Nanterre et présidente du syndicat étudiant. Mais, selon elle, cela ne « règlera pas tous les problèmes », avec en tête, le manque de places.
« On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés l’année prochaine », Imane Ouelhadj, présidente de l’UNEF
L’article L. 612—6 du Code de l’éducation du 23 décembre 2016 concède le droit à la poursuite d’études en master, pour toutes les personnes titulaires d’une licence. Pour la présidente de l’UNEF, Mon Master ne garantit pas nécessairement la place dans une formation universitaire de cycle 2. « Aujourd’hui, le problème c’est qu’il n’y a pas assez de places dans l’enseignement supérieur en master pour accueillir tout le monde », affirme-t-elle.
Par ailleurs, Imane Ouelhadj remarque que le calendrier de la plateforme est « extrêmement large » et que certains jeunes vont recevoir leur affectation sur le tard.
« Trouver une formation en octobre quand on a effectué sa licence à Toulouse et qu’on aura été affecté à Brest par exemple, c’est compliqué », précise-t-elle, avant de poursuivre : « Ils devront déménager au dernier moment, ce qui est susceptible d’induire des soucis de précarité, de job étudiant ou d’accès au logement ».
Pour l’UNEF, demander un logement CROUS à la rentrée n’est pas une chose aisée, notamment si des candidats postulent à des masters dans plusieurs villes françaises. « C’est un jeu de poker pour les étudiants et on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés l’an prochain ».
Des fausses notes déjà visibles
Le portail est ouvert depuis un mois, afin que les étudiants disposent d’informations centralisées sur l’ensemble des formations. Un lancement qui s’est accompagné de divers couacs, d’après les étudiants sur les réseaux sociaux. Bugs à répétition, difficultés pour se connecter ou encore un manque de fluidité.
le site de mon master bidule qui bug deja c’est pour me tuer ou quoi
— em 👒 (@duarrybff) February 1, 2023
La présidente de l’UNEF n’en est pas moins surprise. « C’était inévitable », relate-t-elle. « Le ministère a assumé qu’il s’agissait d’une phase test, pour voir comment ça allait se passer cette année, il était donc presque évident qu’on allait avoir des bugs ». Le syndicat s’inquiète que le site soit saturé d’ici le 22 mars prochain, date à laquelle les candidats pourront saisir leurs vœux.
Sur les cursus présents sur le portail, Imane Ouelhadj parle aussi d’éléments erronés. « Des professeurs nous ont signalé que certaines infos n’étaient pas les bonnes. Il faudrait avoir réellement la mainmise sur les cursus et leurs capacités d’accueil », prévient-elle.
Hiérarchisation et anonymisation des candidatures
La nouvelle plateforme est souvent désignée comme le Parcoursup des masters. Un procédé similaire avec un système de saisie des vœux et l’attente d’une affectation au mois de juin. À une différence près : il n’y a pas de phase complémentaire. Ce que regrette l’UNEF. « On va avoir des étudiants qui vont attendre d’avoir une place entre juin et septembre. La phase complémentaire aurait permis d’analyser les universités où il reste de la place et où on aurait pu inscrire des étudiants en plus », explique sa présidente.
Depuis quelques années, nombreux sont les étudiants qui se sont retrouvés sans master pour la rentrée. Ces derniers ont dû saisir le rectorat, dans l’espoir d’être acceptés dans une faculté. Un hashtag dédié, #EtudiantSansMaster, avait été créé sur les réseaux sociaux, accompagnés de témoignages de jeunes désemparés. « Tout le monde sait que c’est compliqué d’avoir un master », regrette Imane Ouelhadj. « C’est pour cela que des étudiants accepteront le premier vœu venu, tout simplement, car ils seront dans l’inquiétude de se retrouver sans formation ».
Le syndicat étudiant demande au gouvernement que les candidatures soient anonymes. La raison ? Se concentrer uniquement sur les résultats scolaires de l’élève « Cela permettrait de lutter contre la discrimination dans l’enseignement supérieur, en ayant ni le nom, le prénom ou le domicile de la personne, on évite ce genre de problématiques »,ajoute la présidente de l’UNEF.
Le syndicat réclame des places supplémentaires en M1
Dans l’espoir d’une fluidification du manque de places dans les établissements du supérieur, l’association des étudiants de France revendique un plan de refinancement, pour ouvrir des capacités d’accueil. « Il y a des masters qui n’ont que 20 places, et cela n’est plus possible », tempête Imane Ouelhadj. « Ouvrir des places supplémentaires, ça signifie aussi rémunérer dignement les professeurs, rénover les universités et construire de nouveaux bâtiments ».
« On n’a pas assez anticipé le baby-boom des années 2000 et ce sont ces jeunes-là qui sont aujourd’hui à l’université », Imane Ouelhadj, présidente de l’UNEF
Néanmoins, la présidente nous explique que le gouvernement exprime des difficultés à chiffrer les places manquantes des structures universitaires. Le ministère espère, avec Mon Master, recenser le nombre de places existantes dans l’Hexagone et de les compter.
« C’est impossible de calculer, mais dans tous les cas, on n’a pas assez anticipé le baby-boom des années 2000 et ce sont ces jeunes-là qui sont aujourd’hui à l’université », se désole le syndicat. Une donnée confirmée par l’Insee : de 2000 à 2003, 30 000 naissances de plus ont eu lieu chaque année, par rapport aux enfants nés à la fin des années 1990.
L’enseignement à distance instauré pendant la crise sanitaire liée au Covid-19 n’a pas répondu à la question du manque de places dans les universités, selon l’UNEF. « Les cours en ligne, à l’exception où c’est un choix, sont plus une contrainte qu’autre chose ».