Ce n’est un secret pour personne : la formation en alternance s’est démocratisée dans le système éducatif de l’Hexagone, tant dans le secondaire que le supérieur. La réforme de l’apprentissage initiée en 2018, couplée par les aides financières de l’État à l’embauche d’un apprenti pendant la crise sanitaire en 2020, ont contribué à l’essor de ce phénomène.
Ainsi, une nouvelle étude de l’Insee, intitulée « Formations et emploi », révèle que les jeunes se sont massivement tournés vers ce mode de scolarité.Le nombre d’inscriptions en centre de formation d’apprentis (CFA) a explosé, passant à plus d’un million en décembre 2023, soit plus du double en cinq ans.
Cette progression est particulièrement visible dans l’enseignement supérieur, qui représente désormais la majorité des apprentis. En 2023 , « près de deux apprentis sur trois préparent un diplôme du supérieur, contre seulement 39 % en 2017 et 2 % en 1992 », lit-on dans l’étude.
Deux tiers des apprentis présents dans les métiers de service
Avec l’essor de ce mode de scolarité dans les études supérieures, les formations en apprentissage concernent davantage les métiers des services (commerce, vente, marketing, hôtellerie-restauration, informatique) plutôt que ceux de la production (industrie, agriculture, BTP). Selon l’Insee, en 2023, près de deux tiers des apprentis (63 %) se forment dans ce secteur, contre seulement 42 % en 2017.
Les étudiantes sont de plus en plus nombreuses à choisir un cursus en alternance, bien qu’elles restent minoritaires. Les femmes représentaient 43 % des apprentis en 2023, contre 33 % en 2017. Néanmoins, chez les 15-19 ans, les filles optent encore deux fois moins souvent pour l’apprentissage que les garçons, un écart qui disparaît après 20 ans.
À l’université, les apprentis sont issus de milieux sociaux moins favorisés que les étudiants en formation initiale. À l’inverse, dans le secondaire, les apprentis sont généralement issus de milieux plus favorisés.
Depuis la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel, l’Insee met en exergue une légère hausse des ruptures des contrats d’apprentissage au cours des 9 premiers mois. Entre 2017 et 2022, ce taux est passé de 19 % à 21 %, touchant principalement les étudiants du supérieur, notamment ceux en bac+2 et bac+3.
L’alternance : un tremplin vers l’emploi ?
Selon l’étude de l’Insee, les jeunes diplômés ayant opté pour une formation en alternance s’en sortent mieux que leurs homologues en formation initiale, notamment dans l’enseignement secondaire. Cela peut s’expliquer par divers facteurs, comme l’âge, le sexe ou l’origine sociale, mais aussi par des éléments plus difficiles à quantifier, à savoir la motivation, le réseau personnel du jeune ou la familiarité avec le monde professionnel.
L’un des atouts de l’apprentissage va de pair avec le lien direct avec l’entreprise : six mois après leur diplôme, 27 % des apprentis de niveau CAP à BTS diplômés en 2022 exercent toujours dans leur entreprise d’origine. Dans le même temps, le nombre de structures qui ont accueilli des alternants a été multiplié par deux entre 2017 et 2021.
Du côté des entreprises, 63 % déclarent recruter des apprentis avec l’intention de les embaucher ensuite. Elles sont seulement 5 % à considérer le coût d’un apprenti comme un obstacle à l’embauche.
2025 : Quel avenir pour l’apprentissage ?
Si la formation en alternance s’est démocratisée dans le système éducatif ces dernières années, les nouvelles mesures mises en place par le gouvernement et les coupes budgétaires sont susceptibles de bouleverser ces résultats.
Depuis le 1er janvier 2025, les aides à l’embauche d’un apprenti connaissent de nouveaux ajustements : elles sont abaissées à 5 000 euros pour les TPE-PME et à 2 000 euros pour les grandes entreprises (au lieu de 6 000 € depuis 2020). De la même manière, les apprentis pourraient voir leurs revenus baisser, dans le sillage du nouveau budget 2025, voté par le gouvernement de François Bayrou. Les apprentis qui gagnent le SMIC pourraient perdre jusqu’à 200 euros net mensuels.
Reste à savoir si le contexte politique incertain et de nouvelles coupes budgétaires sont prévus. « Le problème en France, c’est que les règles du jeu changent constamment », déplore Jean-Luc Dubois-Randé, directeur de l’université Paris-Est Créteil (UPEC). « Nous avons construit un modèle autour de l’apprentissage, mais si demain, l’État continue de modifier les financements et d’imposer de nouvelles contraintes, cela risque de déstabiliser un modèle qui fonctionne bien », explique-t-il.