Dans une note publiée hier, faisant suite à la conférence de presse « Parcoursup® : classer quoi qu’il en coûte ? », le collectif Nos services publics a rappelé que la plateforme avait été créée dans le but de remplacer APB (Admission post-bac) qui pratiquait le tirage au sort pour 0,5 % des lycéens dans une poignée de filières en tension. Depuis cinq ans, ce genre de pratique sujette à polémique n’est donc plus d’actualité, au profit d’une logique de classement.
Plateforme Parcoursup® : une expérience stressante qui ne satisfait ni candidats ni enseignants ?
Alors qu’il y a quelques années encore, ils classaient leurs vœux par ordre de préférence, la tendance s’est désormais inversée pour les lycéens qui se voient eux-mêmes classés sur des listes d’attente. Arnaud Bontemp, co-porte-parole du collectif, évoque une « génération en attente » et dans l’incertitude quant à son avenir proche.
Ce nouveau procédé aurait des conséquences néfastes pour les néo-bacheliers, qui se retrouvent « sans réponses et stressés », selon Emmanuel Zemmour, enseignant au lycée, car « soit ils sont bien classés et auront le choix, soit ils sont mal classés et se contenteront de ce qu’ils ont. On voit tous les jours des tentatives virulentes par les familles pour mieux classer leurs enfants, ce qui est un facteur de stress pour les enseignants également ».
Ce dernier regrette que la pédagogie soit relayée au second plan, aux dépens de l’accompagnement administratif et chronophage que demande Parcoursup® : « à partir de la classe de première, on ne fait plus que du classement. La réforme oblige à raccourcir l’année de terminale, les lettres de motivation sont extrêmement longues, fastidieuses et sans réel enjeu pédagogique », ajoute-t-il.
« L’orientation post-bac est-elle mieux réalisée en refusant aux jeunes d’aller dans la filière de leur choix ? » Prune Helfter-Noah, co-porte-parole du collectif
La proportion des lycéens n’ayant reçu aucune proposition au premier jour d’ouverture des résultats était de 19 % pour APB en 2016 et de 46 % pour Parcoursup® en 2021, selon le collectif. Prune Helfter-Noah, autre porte-parole du mouvement confirme qu’un élève sur deux se retrouve sans proposition ce jour-là et dénonce une impossibilité d’évaluer la bonne affectation des élèves selon leurs choix, étant donné qu’ils ne l’ont plus vraiment. Toutefois, l’an dernier, les chiffres présentés par le gouvernement étaient pour le moins opposés. Le 16 juillet 2021, le ministère de l’Enseignement supérieur avait déclaré dans un communiqué que 89,5 % de bacheliers avaient reçu au moins une proposition d’admission à quelques heures de la phase finale.
Il faut noter qu’ici, ces résultats se rapportent à toutes les phases de la plateforme et non au premier jour seulement. Cela donne une note d’optimisme à tous ceux qui n’auront pas de réponses à leurs vœux à 19 h ce soir. Il faudra s’armer de patience et surtout relativiser, car il existe des alternatives pour s’orienter hors Parcoursup®.
Les profs voudraient moins de paperasse et plus de pédagogie
La co-porte-parole s’étonne de la non-distinction entre écoles publiques, écoles privées sous contrat et écoles privées hors contrat. « L’orientation post-bac est-elle mieux réalisée en refusant aux jeunes d’aller dans la filière de leur choix ? », se demande-t-elle.
Un avis partagé par l’ensemble du corps enseignant présent à la conférence : « un algorithme qui tournait avant en 48 h, met un mois et demi à présent, puisque ce sont des humains et non une machine qui s’en occupe. On a rendu la procédure sélective à l’ensemble des filières et des formations privées et ça a conduit à ce qu’on ait 15 000 algorithmes locaux », affirme Julien Gossa, maître de conférence en informatique à l’Université de Strasbourg.
Nos services publics critique aussi le coût de cet algorithme et de l’accompagnement. En effet, ils s’accordent à dire que leur travail pédagogique est perturbé par ce système de classement et le temps non négligeable qu’ils passent à « fabriquer des dossiers pour faire le tri entre leurs élèves ». Un temps qui vaudrait des millions…
« Dépenses publiques importantes et inégalités sociales grandissantes » : quelles solutions ?
D’après une étude récente du collectif au sujet du temps passé par les professeurs sur le site d’admission, la dépense engendrée par ce dernier serait estimée à 100 millions d’euros uniquement pour l’enseignement secondaire.
En outre, les intervenants ont souligné un autre changement majeur par rapport à APB. Avec Parcoursup®, il n’est plus possible de juger la capacité de la plateforme à satisfaire les vœux des lycéens pour leur orientation future. De fait, un onglet intitulé « Ma préférence » a été ajouté il y a peu, mais n’intervient qu’après la phase d’admission principale, puis la phase complémentaire. Cela revient-il à dire que le choix d’orientation des étudiants n’est considéré qu’en dernier recours ? C’est ce que semble indiquer le collectif.
Y a-t-il un accompagnant sur le site ? À cette question le ministère de Frédérique Vidal s’était félicité de son dispositif CAES (Commissions d’accès à l’enseignement supérieur) qui aurait aidé 4 979 titulaires du bac en 2021. Pourtant, le compte-rendu de Nos services publics considère que ce système perpétue des inégalités sociales en rendant « indispensable l’établissement de stratégies complexes et une capacité à se renseigner très en amont sur les différents choix possibles et les priorités à suivre », au lieu de répondre à un meilleur accompagnement des futurs étudiants.
Ce faisant, Parcoursup® leur enlèverait leurs chances de réussite « sans répondre à la question essentielle du nombre de places disponibles dans les filières qu’ils demandent ». Cependant, le collectif a stipulé que le problème du manque de place dans les formations publiques du supérieur reste inchangé depuis APB.
Quelles solutions préconisées ? « Supprimer le classement dans les filières non sélectives et revenir à une logique de choix des élèves en réinscrivant dans la loi, la liberté pour les jeunes de s’inscrire dans l’établissement de leur choix et en l’accompagnant par la création de places à la hauteur des besoins exprimés ». Reste à savoir si un retour en arrière est réalisable et serait une véritable solution pour tous.