Le plan stratégique d’une école de commerce, c’est sa carte. Celle qui va dessiner les différentes étapes et la destination vers laquelle elle s’oriente. En 2020, la business school marseillaise et bordelaise présentait KEDGE 2025. Aujourd’hui, l’institution en tire un bilan plutôt positif, avec une évolution du chiffre d’affaires de plus de 30%. Un élément important, puisqu’avec son statut associatif, KEDGE reverse l’intégralité des bénéfices au service de l’école et des étudiants.
Maintenant, place à KEDGE 30. Et cette fois, le mot d’ordre se veut être la qualité plutôt que la quantité. L'objectif ? Atteindre 175 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2030, tout en se concentrant sur la sélectivité des étudiants. Comment espère-t-elle y arriver ?
Métis : l'IA souveraine de KEDGE
C’est l’annonce centrale de la business school : KEDGE lance Métis, sa propre plateforme d'intelligence artificielle. Développée avec Amazon Web Services (AWS), elle donne accès aux meilleures IA du marché (Claude, Mistral, ChatGPT, AWS) tout en garantissant la confidentialité des données.
« On a un bac à sable d'intelligence artificielle mis à disposition des étudiants et du staff », précise Céline Davesne, doyenne des programmes. Tous les étudiants seront formés au prompt et aux bons usages de l'IA. L'école parle même d'un « campus augmenté par l'IA ». KEDGE investira d'ailleurs 30 millions d'euros sur 5 ans. Reste à voir comment tout ça se traduira concrètement dans les cours et le quotidien des étudiants.
Toutefois, KEDGE ne veut pas tomber dans le piège du « tout avec l’IA ». Elle souhaite en faire un usage raisonné : « L'idée c'est bien de la maîtriser, de bien l'utiliser pour aller plus loin, plus vite, sans rentrer dans le darkside et perdre sa propre intelligence humaine », insiste la doyenne. Un discours qu’on entend souvent de la part des business schools et qui est similaire à celui tenu par la directrice de SKEMA : Alice Guilhon.
Géopolitique et défense : KEDGE renforce ses cursus autour de ces thématiques
Autre grande nouveauté : KEDGE annonce vouloir transformer la géopolitique en « levier de leadership ». Concrètement, une filière affaires stratégiques de sécurité et de défense verra le jour au sein du Programme Grande École à travers toutes les années de cette formation.
Les élèves de L3 (première année) bénéficieront d’un cycle de conférences animé par d'anciens diplomates et officiers. La business school crée une nouvelle majeure International Business & Geopolitics pour les étudiants de M1. Enfin, un nouveau parcours Défense verra le jour, dans le MSc International Business, en partenariat avec Sciences Po Bordeaux.
« Nous voulons travailler sur la géopolitique » confirme Céline Davesne. « Il y a une vraie demande en bac+3 de la part de nos étudiants et il est important pour nous de renforcer cette dimension dans nos cursus. »
Un virage international qui s'accélère
KEDGE continue son expansion à l'international, avec un focus assumé sur l'Afrique, la Chine et désormais l'Inde.
Arrivée il y a quelques mois, Céline Davesne précise : « Ce qui m'a intéressée chez KEDGE, c'est le campus Afrique. C'est un choix audacieux ». Une dimension qui se renforce avec un parcours African Track repensé. Désormais, une trentaine d'étudiants accompagneront des ONG locales.
Dans la plus grande démocratie du monde, un Indian BBA sera lancé en septembre 2025, suivi de 4 MSc dès 2026.
Des nouveautés en pagaille pour les étudiants de KEDGE
La business school bordelaise et marseillaise entend lancer un semestre dédié à l’entrepreneuriat, co-créé avec Benjamin Gaignault, fondateur d’Ornikar. Il sera accessible à tous les étudiants du PGE à n'importe quel moment de leur cursus. Ils concevront leur projet avec des experts sur des projets d'entreprises proposés par l'entrepreneur.
KEDGE lance une autre initiative : le projet Shift. Concrètement, tous les étudiants du Programme Grande École travailleront, durant leurs études, sur un projet associatif, au contact d’une ONG.
Et pour ceux qui ont plutôt la fibre artistique, KEDGE proposera, dès la rentrée 2026, un master Creative Tourism Management dans son école d’arts et une double-diplôme Wine, Food & Hospitality entre le bachelor de la business school de KEDGE et celui de sa Wine School.
L'inclusion des personnes en situation de handicap : le rêve de KEDGE
Mais le projet qui semble le plus tenir à cœur à Céline Davesne depuis son arrivée à KEDGE, c'est l'intégration de jeunes en situation de handicap, notamment trisomie 21. Une idée qui n’en est qu’à l’état de discussions au sein de KEDGE, pour l’heure.
« Les entreprises paient des amendes faute de recruter des collaborateurs en situation de handicap. Mais de l'autre côté, il n’y pas d’offre de formation pour les jeunes qui sont porteurs d’un handicap », constate la doyenne des programmes. Son idée ? Créer des formations adaptées, avec un système de binômes entre étudiants en situation de handicap et étudiants valides.
Résultat : les jeunes seraient tous sensibilisés à cette cause et deviendraient des managers ou des directeurs plus empathiques et attentifs aux différents handicaps. Le projet en est encore aux prémices et les discussions avec le ministère n'ont pas encore commencé. « Il y a beaucoup de barrières, administratives notamment, autour des pré-requis du bac et de l'organisation pédagogique », évoque Céline Davesne.
Pour les jeunes atteints de trouble autistique, la doyenne des programmes imagine le rôle clé de l’intelligence artificielle. « Il est facile de converser avec l'IA, d’aller loin dans ses réflexions », estime-t-elle.
Si le projet se concrétise, ce serait effectivement une première dans l'enseignement supérieur en management. Mais entre l'intention et la réalité, il y a souvent un monde. Les questions restent nombreuses : quels pré-requis académiques ? Quelle adaptation pédagogique concrète ? Quel accompagnement ?(c
La Maison Care4Student : un tiers-lieu pour le bien-être
Autre initiative d'ampleur : KEDGE ouvre la Maison Care4Student, un tiers-lieu gratuit dédié au bien-être et à la santé étudiante, aussi bien physique que mentale. Ouvert depuis septembre à Marseille (et bientôt sur le campus de Bordeaux), cet espace propose des consultations médicales, des ateliers bien-être et un accompagnement social.
L'école accompagne déjà individuellement 2 600 étudiants chaque année, avec 1 500 consultations psychologiques. Dans un contexte de crise de santé mentale chez les étudiants, l’initiative est plus que bienvenue.