L’Union nationale interuniversitaire (UNI) est une organisation étudiante qui se revendique de droite. Fondée en 1969, en réaction aux événements de mai et juin 1968, l’organisation est fréquemment associée à l’extrême droite. Quelles sont les valeurs que le syndicat défend ? Quel modèle de l’enseignement supérieur prône-t-il ? Quelles sont ses actions ? Diplomeo fait le point.
La hantise du wokisme
L’UNI, qu’est-ce que ce n’est pas ? Il est plus facile de répondre à cette question, plutôt qu’à sa tournure positive. L’organisation identifie assez facilement ses antagonistes sur son site.
L’UNI a particulièrement dans son viseur :
- Ceux qui s’attèleraient à « détruire notre modèle de société pour y installer une forme d’anarchie individualiste et nihiliste ou de dictature des minorités »
- Et ceux qui auraient pour projet de « mettre en place une société régressive et punitive au nom du culte de Gaïa ou d’instaurer un régime religieux obscurantiste et féminicide »
Des périphrases qui peuvent être résumées par certains termes qui reviennent souvent sur la page internet de l’organisation : les « wokistes », les « islamo gauchistes » ou encore les « mouvements décolonialistes » et « racialistes ». Par ailleurs, l’organisation anime un « Observatoire du wokisme ». Les publications de la plateforme traitent de faits divers, de l’actualité et de sorties de films, avec, en ligne de mire : la « cancel culture », les sorties Disney « wokisées », les individus trans…
À l’origine, l’adjectif « woke » (éveillé) prend racine aux États-Unis, dès la fin du 19e siècle, dans le sillage de l’abolition de l’esclavage. Il se répand surtout dans le contexte de la lutte des activistes noirs pour l’accès aux droits civiques, dans les années 1950.
C’est un mot d’argot alors utilisé par les Afro-Américains, pour les Afro-Américains, qui les incitent à rester éveillés : à être conscient de leur situation d’une part et du caractère injuste des limites socio-économiques qui leur sont imposées, de l’autre.
Petit à petit, le terme est utilisé pour appeler à la vigilance dans plusieurs situations sujettes aux abus, au-delà de l’expérience noire américaine, comme les relations amoureuses, par exemple.
La « droite étudiante » : une « formule euphémisante » ?
Déjà en 2012, Le Monde s’interrogeait sur ce qu’était l’UNI. « L’UNI ou Union nationale interuniversitaire est présentée laconiquement sur les ondes comme une organisation étudiante “proche de la droite”. Drôle de formule euphémisante. Et qui ne signifie pas grand-chose puisqu’il existe des étudiants de droite qui ne se reconnaissent pas dans l’UNI », notait alors le journal.
L’Union nationale interuniversitaire s’est formée en 1969, en réaction aux événements de mai 68. Elle se veut de tradition gaulliste et à l’origine, anti-marxiste. Elle entend alors « regrouper tous ceux qui entendent soustraire l’Éducation nationale à l’emprise communiste et gauchiste, et défendre la liberté en luttant contre toutes les formes de subversion », rapporte François Audigier dans son ouvrage Histoire du S.A.C.
C’est à partir de 2014 que le terme « woke » explose : Michael Brown, un Afro-Américain de 18 ans, est tué par un policier à Ferguson. Une levée de boucliers dénonce les violences policières et par la même, le racisme systémique aux US.
En parallèle du mouvement Black Lives Matter, le hashtag #StayWoke gagne en popularité. Rapidement, les conservateurs récupèrent le terme woke pour dénigrer les militants, d’abord aux US, puis outre-Atlantique, sous la forme substantive.
« Désormais, le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT ou même écologistes », relève Alain Policar dans l’article De woke au wokisme : anatomie d’un anathème, paru en 2022 dans la revue Raison présente. L’objectif : stigmatiser les individus qui dénoncent ou témoignent, en leur prêtant une logique de « victimisation ».
Lancée avec l’aide du SAC (Service d’action civique — organisation gaulliste « réputée “musclée” », selon Le Monde ou encore, « “police parallèle” du gaullisme », pour Francis Zamponi), proche du Mouvement d’idée de la droite réactionnaire (MIL — branche du gaullisme radical), l’UNI croise aussi plus d’une fois le Groupe union défense (GUD - groupuscule étudiant d’extrême droite, dissout en Conseil des ministres, en juin 2024) lors d’actions dans les universités.
« Comme la droite populaire, l’UNI navigue donc souvent dans les eaux troubles entre l’UMP et le FN », peut-on lire dans un article du Nouvel Obs, paru en 2012, également. La même année, Claude Guéant (UMP, désormais Les Républicains) alors ministre de l’Intérieur (sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy) prononçait ces paroles à huis clos, devant l’UNI : « Nous devons protéger notre civilisation […] Contrairement aux socialistes, je pense que toutes les civilisations ne se valent pas ». Plusieurs médias avaient alors décidé de se pencher sur ce qu’était l’UNI.
Pour sûr, l’UNI est conservatrice. Sur sa page dédiée, sur le site de l’Université Paris-Panthéon-Assas, plusieurs formulations sont sans équivoque : « l’objectif des agitateurs de “68″ n’était pas seulement de mener une “révolte étudiante” mais bien de discréditer, pour mettre à terre, les repères et les institutions (famille, école, nation, armée, etc.) sur lesquels repose la société française », et plus loin « notre but demeure le même : promouvoir une “certaine idée de la France”, de sa civilisation et de son École. »
L’UNI : au cœur de plusieurs polémiques
Plus récemment, l’UNI s’est retrouvée au cœur de plusieurs actes qui ont attiré l’attention. Sur le papier, l’organisation n’est pas la Cocarde — un syndicat étudiant clairement positionné à l’extrême droite. Toutefois, plusieurs saluts nazis réalisés dans le cadre académique (mobilisations étudiantes, soirées, etc.) sont imputés à des étudiants membres ou proches de l’UNI.
Au début de l’année 2025, plusieurs actes antisémites et racistes avaient été rapportés, notamment sur les campus de Strasbourg, Caen et Lille. À Strasbourg, c’est un jeu de cartes qui avait été dénoncé par le collectif Golem — le Mouvement de juifs de gauche contre l’antisémitisme.
Si des enquêtes internes ont été ouvertes et les faits signalés auprès du procureur de la République, l’UNI, de son côté, nie toute proximité avec les auteurs de ces faits. « Aucune de ces personnes n’a été adhérente et membre de l’UNI. Les événements sont ouverts à tous, donc on ne connaît pas l’idéologie des personnes avant qu’elles ne viennent. Tout ce qui peut renvoyer de près ou de loin au nazisme n’est pas toléré », affirmait Yvenn Le Coz, délégué national de l’UNI.
Lutte contre l’antisémitisme : des formations désormais obligatoires dans le supérieur
Pour le jeu de cartes, l’organisation avait d’abord dénoncé une « fake news », ainsi qu’un montage « grossier et diffamatoire », dans un communiqué. Puis, elle a indiqué déposer plainte et suspendre deux de ses membres concernés, « en attendant les résultats de l’enquête ».
Avant de diffuser des fake news vérifiez vos sources.
Vous ne cacherez pas votre antisémitisme en diffamant ceux qui le combattent. pic.twitter.com/FkKhi8SXRi
— UNI (@droiteuniv) February 7, 2025
Plusieurs travaux journalistiques retracent également l’appartenance de plusieurs membres de l’UNI à Génération Z (le mouvement des jeunes avec Zemmour), ainsi que les débuts de certains collaborateurs du RN au sein de l’organisation étudiante.
Éducation : le ticket resto étudiant comme fer de lance
Concrètement, qu’en est-il de l’amélioration des conditions étudiantes ? L’UNI prône depuis les années 2010 la création d’un ticket restaurant étudiant. « Sur le même modèle que celui des salariés […] l’étudiant l’achète au prix d’un repas au Crous, l’État complète le reste et ce ticket peut être utilisé dans tous les commerces et restos », expliquait, en 2021, le compte officiel de l’organisation, sur X (ex-Twitter) à David Lisnard, le maire de Cannes.
Le maire avait répondu à un étudiant de l’École de Journalisme de Cannes (EJC) qui lui faisait part de sa difficulté à bénéficier des repas à 1 euro du Crous, puisque son établissement n’avait pas de restaurant universitaire.
Fin novembre 2024, le gouvernement annonçait le lancement d’une aide financière alimentaire, adressée à 100 000 étudiants situés dans les zones blanches : ils sont à plus de 20 minutes à pied ou en transport en commun d’un restaurant universitaire. Dans un communiqué, l’UNI s’est montrée ravie de la mise en place de cette mesure, qui signerait une « première victoire de l’UNI dans la mise en place d’un ticket restaurant étudiant ».
1ÈRE VICTOIRE DE L’UNI DANS LA MISE EN PLACE DU TICKET RESTAURANT ÉTUDIANT !
L’UNI poursuivra son travail pour développer et étendre cette mesure à tous les étudiants.
Notre communiqué ci-dessous ⤵️ pic.twitter.com/mvTPfiGZW5
— UNI (@droiteuniv) November 26, 2024
Parmi les améliorations prônées par l’organisation : l’élargissement de cette aide à tous les étudiants et un partenariat public et privé. L’UNEF (Union nationale des étudiants de France, engagée à gauche) s’oppose à cette participation du privé dans le dispositif du ticket resto étudiant, craignant « la mise en concurrence du service public des CROUS avec les entreprises privées » et une perte de financement côté Crous également.