Les délais pour obtenir une place à l’examen du permis de conduire explosent : jusqu’à 8 mois d’attente dans certains départements. Une situation qui alimente la colère des auto-écoles et le découragement des jeunes candidats, souvent freinés dans leur accès à l’emploi, aux études ou même aux soins.
Selon une étude OpinionWay pour En voiture Simone publiée fin septembre 2025, plus d’unjeune sur 4 serait aujourd’hui prêt à conduire sans permis. Face à cette crise, les professionnels du secteur appellent à des réformes rapides et à une modernisation du système d’examen. Édouard Rudolf, CEO d’En Voiture Simone et vice-président de la Fédération des Enseignants et des Auto-Écoles d’Avenir (FENAA), livre son analyse sur cette crise et les solutions possibles.
Délais d’examen : le permis dans l’angle mort des candidats
Face à des délais d’attente de 6 à 8 mois dans certains départements pour passer l’examen, près des deux tiers des personnes sondées connaissent une ou plusieurs personnes ayant déjà enfreint la loi (conduire sans permis).
Selon En voiture Simone, plus de 525 000 élèves sont freinés chaque année par ces délais, principalement en raison d’une pénurie d’inspecteurs. Sur les 67 départements où la plateforme est présente, près d’un tiers affichent des délais supérieurs à deux mois.
« Les délais d’examen du permis de conduire sont aujourd’hui le plus grand problème du secteur », déplore Édouard Rudolf. « Nous nous battons depuis dix ans pour les réduire et instaurer l’équité entre candidats », ajoute-t-il. Bien que la loi prévoit 45 jours entre deux passages, cette règle n’a jamais été respectée, selon le CEO d’En voiture Simone.
Ainsi, rappelle l’étude, près de 50 % des candidats échouent à la première tentative et doivent attendre encore plus longtemps pour repasser l’examen. Ces derniers reprennent quelques heures coûteuses et finissent parfois par abandonner… ou par conduire sans permis. « On estime, en France, de 800 000 à 1 million le nombre de conducteurs sans permis », abonde Édouard Rudolf.
Les délais d’examen restent très disparates selon les territoires. Dans certains départements, bien organisés, le temps d’attente pour passer le permis n’excède pas un mois et demi. « En revanche, dans les grandes métropoles – Paris, Lyon, Marseille – les délais explosent. En Île-de-France, il faut parfois jusqu’à huit mois pour obtenir une place », constate Édouard Rudolf.
Enfin, le manque d’inspecteurs n’explique pas à lui seul l’allongement des délais. « C’est la conséquence d’un cumul de facteurs », confie-t-il. L’abaissement du permis à 17 ans, combinée à une génération de candidats plus nombreuse qu’auparavant et qui « continue à passer le permis, parfois même plus tard » contribue notamment à cette situation.
Le permis, clé manquante pour l’emploi et les études
Cette situation met en lumière les dangers de la conduite sans permis : un risque accru pour la sécurité routière, mais aussi des conséquences sociales importantes, puisque l’accès à l’emploi, aux études et à la mobilité quotidienne des jeunes est fortement entravé.
Si 85% des 18-24 ans estiment que le permis de conduire est indispensable à leur vie étudiante ou professionnelle, 50% des sondés ont déjà refusé une opportunité d’emploi et 43% ont dû renoncer à une formation, faute de permis ou de véhicule.
Pour Édouard Rudolf, le constat dépasse la simple question de mobilité. « Le ministère du Travail considère d’ailleurs le permis de conduire comme une formation diplômante pour certains, un véritable sésame pour l’emploi, surtout dans les zones où la voiture est indispensable », ajoute-t-il.
Dans les grandes métropoles comme Paris ou Lyon, les jeunes peuvent encore compter sur les transports en commun. Mais dès qu’on s’éloigne des centres urbains, la situation se corse. « Dans les zones rurales, les transports sont rares. Si l’on veut réindustrialiser la France, il faut permettre aux gens d’accéder à ces emplois. Le permis est donc un enjeu économique et social majeur », souligne Édouard Rudolf.
Démission de Sébastien Lecornu : un virage qui complique le dossier
Ces dernières semaines, la Fédération nationale des auto-écoles associées (FENAA), a été reçue à deux reprises par le ministère de l’Intérieur pour évoquer la crise des délais d’examen. La première rencontre, toutefois, n’a pas débouché sur des avancées concrètes.
« On nous avait dit : ‘On confiera ça à un parlementaire lorsque le gouvernement Lecornu sera nommé’. Et là on voit ce que ça a donné ce lundi, le gouvernement est déjà tombé », ironise le président d’En voiture Simone.
Tandis que le Premier ministre Sébastien Lecornu a présenté sa démission ce lundi 6 octobre 2025, la Fédération des Enseignants et Auto-Écoles d’Avenir alerte sur l’urgence de la situation. « On n’a pas le luxe d’attendre. J’ai l’impression que le gouvernement ne prend pas la mesure de la situation », prévient Édouard Rudolf.
En France, rappelle-t-il, « il existe deux leviers d’action : le législatif, qui suppose un vote parlementaire, et le réglementaire, directement entre les mains des ministères ». Or, avec la démission du Premier ministre et un Parlement désormais à l’arrêt, le second levier semble le seul praticable.
« Il faut agir dans le cadre des affaires courantes, par voie réglementaire », insiste celui qui dit vouloir avancer avec le ministère de l’Intérieur « en concertation avec tous les acteurs du secteur ».
Des solutions pour relancer le moteur
L’étude révèle une forte appétence des jeunes pour des réformes concrètes dans l’obtention du permis de conduire. Parmi les 18-24 ans interrogés :
- 85 % soutiennent le développement de la conduite accompagnée et supervisée,
- 83 % approuvent l’idée d’un module de préparation psychologique pour mieux gérer le stress le jour J
- 75 % souhaitent rendre l’examen blanc obligatoire
Des chiffres qui confirment, selon la FENAA, la nécessité de repenser un système aujourd’hui saturé. Face à la crise des délais, Édouard Rudolf plaide pour des mesures simples et sans compromis sur la sécurité routière. « Nous pensons que l’examen du permis est devenu trop complexe et parfois trop sévère sur certains points », estime-t-il.
Parmi les propositions phares : réformer l’évaluation des candidats recalés. Aujourd’hui, il faut obtenir 31 points pour valider son permis, mais dès 22 points, « un candidat sait conduire. Certaines fautes éliminatoires - comme un clignotant oublié lors d’une manœuvre ou un ralentissement insuffisant à un stop pourraient être reconsidérées », précise-t-il.
La FENAA propose donc de ne plus ajourner pour ces erreurs mineures, mais d’imposer à la place 5 heures de conduite supplémentaires axées sur la sécurité, avant que les jeunes décrochent leur permis. Une mesure co-construite avec la Délégation à la sécurité routière (DSR), qui permettrait, selon la fédération, de libérer entre 100 000 et 150 000 places d’examen par an (soit l’équivalent de 150 inspecteurs supplémentaires).
Une autre piste envisagée par la FENAA est de rendre l’examen blanc obligatoire avant toute présentation à l’épreuve officielle. Aujourd’hui, « les auto-écoles ne peuvent légalement refuser un élève, même s’il n’est pas prêt », explique Édouard Rudolf. Conséquence : de nombreux créneaux sont mobilisés inutilement, allongeant les délais. Un examen blanc obligatoire permettrait de filtrer les candidats réellement prêts et de fluidifier les passages.