Cette crise sanglante, à laquelle personne ne semblait vraiment s’attendre en Europe, a fait ressortir une autre réalité très dérangeante : celle du racisme et de la discrimination, même en temps de guerre.
Le calvaire des étudiants étrangers entre bombes et racisme
Des publications circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. On peut y voir plusieurs personnes d’origines africaines se faire refuser l'accès d'un train en direction de la frontière polonaise. En effet, nombre d’étudiants affirment ne pas pouvoir quitter l’Ukraine et être victime d’un “tri sélectif", c’est-à-dire que les hommes, femmes et enfants ukrainiens passeraient d’abord.
Interrogé par le quotidien le Monde, Hervé Offou, étudiant ivoirien en médecine dans la ville de Dnipro à l’est de l’Ukraine, affirme qu’au moment où il voulait prendre le train à Lviv avec d’autres étrangers, un policier lui a crié “enlevez les singes d’ici”. Ils en seraient presque venus aux mains. Il finit par marcher 40 kilomètres afin de rejoindre la frontière avec la Pologne.
The official visuals of Ukrainians blocking Africans from getting on trains. #AfricansinUkrainepic.twitter.com/hJYpM3LY0A
— Damilare / ViF (@Damilare_arah) February 26, 2022
À la frontière de la Hongrie, même combat pour Kader Niekiema, étudiant burkinabé de 28 ans à l’université de Lviv. Dans une conversation téléphonique, il a déclaré au quotidien français : “il y avait deux files, une pour les Européens, l’autre pour les Africains, c’était la panique, les gardes-frontières ukrainiens nous ont insultés et repoussés, ça a failli dégénérer”.
Toutefois, dans une vidéo publiée récemment sur Twitter, une jeune fille raconte que son groupe a finalement réussi à rejoindre la Roumanie et que le pays aurait fait preuve d’une hospitalité exemplaire.
Que font les autorités de ces pays ?
En réponse à ces trop nombreux témoignages, L’UA (Union Africaine) sous l’égide de son président Macky Sall et de Moussa Faki Mahamat, chef de la commission de l’UA, a publié un communiqué le lundi 28 février dernier. À travers ce document, l’institution africaine fustige : « un traitement différent inacceptable » aux Africains serait « choquant et raciste » et « violerait le droit international ».
Il faut rappeler qu’il existe environ 4 000 ressortissants en Ukraine, dont les nigérians constituent le groupe d’étudiants le plus important. Au total, ils seraient 13 000 en provenance d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne en 2019, selon l’Unesco. Le traitement des étudiants maghrébins en revanche, semble tout autre. Merouane, jeune étudiant algérien en ingénierie informatique à Dnipro, n’aurait observé aucune discrimination liée au passeport à la frontière, et affirme que c’est chose rare. Lui et ses trois compatriotes auraient été nourris et logés gratuitement dans une structure polonaise.
Alors que l’Algérie n’a pas appelé ses ressortissants à quitter le pays, contrairement au Maroc qui a programmé six vols spéciaux ce mercredi et ce jeudi, afin de rapatrier ses citoyens, d’autres États semblent silencieux. Certains étudiants camerounais dénoncent un “abandon” de leurs autorités. L’Afrique du Sud, la Côte-d’Ivoire, la République Démocratique du Congo (RDC) et d’autres, ont sollicité leurs ministres ou ambassadeurs afin de faire avancer les choses sur le terrain.
D’autres communautés, notamment les indiens seraient également victimes de discriminations, si l’on en croit les récents témoignages qui circulent sur la toile.
Plusieurs initiatives citoyennes ont ainsi émergé, et des contacts circulent sur les médias sociaux depuis quelques jours, pour chaque pays concerné. Certaines célébrités ont rapidement réagi à ces phénomènes, comme le rappeur Young Thug qui a appelé à une mobilisation de l’ensemble des rappeurs pour “évacuer les africains en Ukraine”.
Quand on constate que même (et surtout) dans une situation de belligérance, qui peut devenir mondiale, le racisme n’est pas mis aux oubliettes, on peut légitimement penser que ce qui ressemble à la fin du monde révèle surtout la fin d’une humanité chez certains.