En octobre 2023, l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) publiait son rapport intitulé « Pour un grand plan national pour le doctorat ». Il proposait un état des lieux du diplôme de doctorat en France : compétences des docteurs, image du diplôme, orientation des étudiants vers celui-ci, encadrement des études, etc.
Un an après, en novembre 2024, Sylvie Pommier — ancienne présidente du Réseau national des collèges doctoraux — et Xavier Lazarus — directeur associé du fonds d’investissement spécialisé dans la Tech, Elaia — ont publié leur rapport « Vers une meilleure valorisation du doctorat dans le monde de l’entreprise et de l’industrie ».
Remis à Patrick Hetzel — ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche — et Marc Ferracci — ministre délégué chargé de l’Industrie — ce document dresse des constats et émet plusieurs recommandations. Il s’appuie également sur les constats de l’ANRT. Découvre 10 chiffres clés du rapport Pommier-Lazarus avec Diplomeo !
Les docteurs représentent 3 % des diplômés de l’enseignement supérieur
C’est peu. Le rapport Pommier-Lazarus fait référence à une « taille critique » pour qualifier le nombre de docteurs diplômés chaque année. Si environ 14 000 docteurs sont formés annuellement en France, cela ne représente que 3 % des effectifs des diplômés de l’enseignement supérieur.
Pourquoi le doctorat peine-t-il à attirer ? Le rapport reprend le constat tiré par l’Association nationale de la recherche et de la technologie : le diplôme de doctorat est « victime d’un imaginaire collectif défavorable ». Et justement, le rapport Pommier-Lazarus détaille plusieurs recommandations afin de changer la donne.
La première intuition est la bonne ! On appelle docteur le titulaire du diplôme de doctorat — le plus haut diplôme universitaire à l’international. Le docteur a soutenu avec succès sa thèse devant un jury.
Le doctorant, lui, est encore en formation doctorale ! Il conduit un projet de recherche et n’a pas encore soutenu sa thèse.
1 % de docteurs dans la population âgée de 25 à 34 ans
Le doctorat reste méconnu du grand public, des employeurs et des jeunes. Parmi les jeunes diplômés âgés de 25 à 34 ans, seul 1 % a suivi une formation de doctorat jusqu’à décrocher le titre de docteur.
Le rapport indique que la France compte alors moins de docteurs dans cette population d’actifs que la moyenne des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui atteint 1,3 %. En Suisse, aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni, la part de docteurs dans cette tranche monte respectivement à 3 %, 2 %, 1,6 % et 1,5 %.
38 % des doctorants déclarent avoir accès à des informations sur les débouchés
Le manque d’informations lisibles sur les débouchés du doctorat compte parmi les raisons de son insuccès. Le rapport rappelle qu’en 2023, 38 % des 13 000 doctorants sondés par le Réseau national des collèges doctoraux (RNCD) disaient avoir accès à des informations sur leurs débouchés.
Lorsqu’on poussait la question, jusqu’à leur demander s’ils avaient accès à des informations de ce type, à la fois utiles, adaptées et régulièrement mises à jour, ils n’étaient que 21 % à répondre par la positive.
Le rapport met en avant plusieurs solutions qui devraient permettre une meilleure information des doctorants et des étudiants en général quant aux avantages du doctorat, ainsi que la déconstruction des stéréotypes du grand public et des employeurs au sujet du doctorat. Voici quelques exemples de travaux plébiscités :
- La création d’une plateforme nationale du doctorat et de l’emploi des docteurs. Par ailleurs, le rapport cite plusieurs supports utiles déjà existants comme les fiches thématiques « Le doctorat à la loupe », éditées par l’Andes et la CJC, les vidéos « FAQ du doctorat » proposées par le réseau national des collèges doctoraux, ou encore, l’enquête IPDoc. À noter qu’une enquête est prévue pour sortir prochainement : Insersup.
- La mise en place d’un titre honorifique pour constituer un réseau d’ambassadeurs du doctorat. Ils seraient désignés au sein des établissements accrédités, parmi leurs alumni docteurs et auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Leur mission : participer aux évènements nationaux et locaux de promotion du doctorat, faire l’objet de portraits, etc.
- En lien avec les branches professionnelles : la constitution d’une liste de noms de métiers représentant les débouchés des docteurs, hors secteur académique. Le rapport Pommier-Lazarus prône l’utilisation plus systématique du terme « chercheur » — « docteur » n’étant pas un métier.
- L’instauration d’un rendez-vous annuel avec le grand public et lesmédias afin de faire connaître les actions en cours en faveur du doctorat et leur offrir une plus grande portée. En parallèle, une journée dédiée au doctorat pourrait voir le jour et être célébrée aux alentours des fêtes de la science.
56 % des doctorants se déclarent confiants dans leur avenir professionnel
En s’appuyant sur l’enquête du RNCD, le rapport Pommier-Lazarus permet d’observer que « seule une courte majorité (56 %) des doctorants se déclarent confiants dans leur avenir professionnel ». À l’opposé, 44 % des sondés se déclarent « inquiets » et parmi eux, 15 % vont même jusqu’à déclarer être « très inquiets ».
Cela va sans dire : cette angoisse est grandement liée à la difficulté des doctorants à trouver des informations facilement sur les débouchés qui s’offrent à eux : 80 % des doctorants qui ont accès à des informations adaptées, utiles et régulièrement actualisées, quant à leurs débouchés professionnels, se déclarent confiants dans leur avenir. Ce chiffre baisse de moitié pour ceux qui n’y ont pas accès : 40 %.
Par ailleurs, ce sentiment d’inquiétude qu’éprouvent 4 doctorants sur 10 est « constaté dans tous les domaines, y compris dans des domaines en tension où leur employabilité est pourtant excellente. Par exemple, près de 1/3 des doctorants en informatique et mathématique se déclarent inquiets ou très inquiets quant à leur avenir professionnel », précise le rapport.
6 docteurs sur 10 sont en emploi dans le secteur public 3 ans après leur diplomation
Zoom sur l’insertion professionnelle des titulaires d’un doctorat. Le rapport Pommier-Lazarus dévoile que la plupart des docteurs (61 %) exercent dans le secteur public en France, 3 ans après leur diplomation. Parmi ceux-là, ils sont 44 % à travailler dans le secteur académique — en tant qu’enseignant-chercheur, par exemple.
De l’autre côté, 39 % des docteurs sont employés dans le secteur privé en France, 3 ans après avoir obtenu leur diplôme. Parmi eux, 18 % exercent dans des activités de recherche et développement (R&D).
Plus de 70 % des doctorants CIFRE travaillent dans le secteur privé
Les docteurs CIFRE profitent d’une insertion forte et plus variée. Ils ne sont pas bornés au secteur académique au moment de trouver un emploi. Par ailleurs, ils sont rémunérés par l’entreprise pendant toute la durée de la préparation de leur thèse.
Avec le dispositif Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), les entreprises bénéficient d’une aide financière pour recruter un doctorant. Le sujet de sa thèse porte sur une question de recherche d’intérêt commun pour l’entreprise d’accueil ainsi que pour un laboratoire public de recherche.
« Le champ d’expertise des jeunes docteurs CIFRE s’inscrit donc naturellement dans les besoins d’un secteur d’activité économique. C’est une des raisons du succès des CIFRE […] Les doctorants CIFRE n’ont pas d’inquiétude quant à leur devenir professionnel après leur soutenance et leur employabilité est très bonne », affirme le rapport.
La part de docteurs encadrés par ce dispositif est encore assez faible (12 % de l’ensemble des docteurs), mais le rapport défend — comme prévu par la loi de programmation de la recherche 2021-2030 — une montée en puissance du dispositif. L’objectif : une augmentation de 50 % du nombre de thèses CIFRE pour atteindre 2 150 docteurs CIFRE par an en 2027 contre 1400 en 2017.
11 % en moyenne : la faible part de docteurs parmi les chercheurs en entreprise
Autre chiffre fort, mis en lumière par le rapport : en moyenne, les docteurs représentent seulement 11 % des chercheurs en entreprise. Les ingénieurs, quant à eux, représentent 56 % des chercheurs en entreprise.
Le document signale toutefois qu’il existe des disparités selon les secteurs de recherche. De fait, l’industrie pharmaceutique et l’industrie chimique enregistrent des parts de docteurs parmi ses chercheurs qui dépassent les 30 % (38,9 et 31 %). Ces parts oscillent entre 7 et 8 % pour des secteurs tels que l’informatique, l’information, les télécommunications ou encore l’aéronautique et le spatial. « Ces données posent la question de la reconnaissance des docteurs par les entreprises dans le domaine même pour lequel ils ont été formés, c’est-à-dire la recherche », explique le rapport Pommier-Lazarus.
« Les emplois d’ingénieurs peuvent être occupés par des personnes qui n’ont pas le titre d’ingénieur. Malheureusement, les candidats potentiels peuvent ne pas le savoir et s’autocensurer. Il serait utile de le préciser sur les offres et de préciser aussi que le diplôme de doctorat est un plus pour ce type de poste », conseille également le document, avant d’aboutir sur cette recommandation : « À plus long terme, la voie à privilégier serait de faire évoluer les dénominations des emplois pour éviter cette ambiguïté. »
79,2 % des doctorants inscrits en 1re année en 2023-2024 ont un financement pour préparer leur thèse
Les études doctorales durent 3 ans, la plupart du temps. Elles peuvent s’étaler sur 6 ans, selon les disciplines de recherche. Ce sont autant de durées conséquentes qui impliquent des efforts à fournir, mais également de pouvoir compter sur des revenus.
En 2023-2024, 79,2 % des doctorants inscrits en 1re annéeont unfinancement pour préparer leur thèse : une part importante, en progression par rapport aux années précédentes. En 2022, cette part atteignait les 78,7 %. Là encore, il existe des disparités selon les domaines de recherche. Le rapport indique que 97,1 % des doctorants en sciences exactes et applications, 85,3 % des doctorants en sciences du vivant et 50,9 % des doctorants en sciences humaines et socialessont financés pour préparer leurs thèses.
Le contrat doctoral représente la principale source de financement d’une thèse. Qu’il soit conclu avec un organisme et des acteurs publics ou privés, le contrat doctoral permet au doctorant de se consacrer à sa thèse, tout en étant rémunéré, pendant tout ou partie de la durée de sa préparation. D’autres dispositifs de financement existent comme le CIFRE, mais également le doctorat industriel européen — « European Industrial Doctorate » — ou le contrat d’ATER, par exemple.
14 % des doctorants préparent leur thèse en parallèle d’une activité professionnelle principale en 2023-2024
Il peut arriver que les financements doctoraux ne soient pas suffisants au quotidien ou que certains doctorants n’en bénéficient tout simplement pas. Le rapport révèle ainsi que 14 % des doctorants préparent leur thèse en parallèle d’une activité professionnelle principale — médecin, professeur du secondaire ou notaire, par exemple.
Tous les domaines de recherche ne sont pas concernés de la même manière par cette réalité. 3 % des doctorants en sciences exactes et applicationsontconcernés, contre 15 % en sciences du vivant et 30 % en sciences humaines et sociales. Il faut aussi dire qu’il n’est pas rare que la durée moyenne des thèses en sciences humaines et sociales atteigne les 5 ou 6 ans, soit 2 ou 3 ans de plus que la durée de la plupart des financements de thèse.
Le paysage des doctorants compte aussi ceux qui à la fois n’ont pas de financement de thèse ni d’activité professionnelle principale. En 2022-2023, 7,2 % des doctorants en 1re année sont dans cette situation. Ce ne sont pas moins de 20 % des doctorants en sciences humaines et sociales qui cumulent l’absence de financement doctoral et d’activité professionnelle principale.
87 % : le taux de réussite estimé en doctorat pour l’année 2023-2024
Sur la base des effectifs estimés à partir des données du SIES (sous-direction des Systèmes d’information et des études statistiques), le taux de réussite en doctorat pour l’année 2023-2024 s’élève à 87 %.
C’est un chiffre qui ne manque pas de souligner certaines difficultés que peuvent rencontrer les doctorants comme le manque de financement pour une longue thèse, par exemple, ce qui peut mener à l’abandon de la formation, avant la soutenance. Toutefois, il met aussi en lumière les efforts de chercheurs passionnés.