Dans le gouvernement Barnier, c’est Patrick Hetzel — ancien député LR du Bas-Rhin — qui a été nommé à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Il succède à Sylvie Retailleau et doit sa notoriété à plusieurs prises de position controversées, à dominante conservatrice : opposition au Mariage pour Tous, à la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes, à l’euthanasie ou encore à la constitutionnalisation de l’IVG.
Le locataire du Pavillon Boncourt est aussi fort de plusieurs années passées dans le milieu de l’Enseignement supérieur. Il a été recteur de l’académie de Limoges de 2005 à 2007, puis conseiller éducation — enseignement supérieur et recherche de François Fillon en 2007, avant d’être directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 2008 à 2012. Ce lundi, Patrick Hetzel a dévoilé au Figaro sa feuille de route. Diplomeo fait le point.
« Je ne suis pas Sylvie Retailleau »
Le ministre de l’Enseignement supérieur compte bien se distinguer de sa prédécesseure. « Je ne suis pas Sylvie Retailleau », déclare-t-il au Figaro, avant de reconnaître que certaines mesures entamées pourraient être poursuivies comme la réforme des bourses ou la phase 2 de l’autonomie des universités. Il faut dire que cette dernière entre en résonance avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007, dont Patrick Hetzel était un artisan.
L’acte I de l’autonomie des universités a été acté en 2007 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). L’acte II a été annoncé par Emmanuel Macron, en décembre 2023, avec une expérimentation d’une année et dans neuf établissements pilotes pour tester de nouvelles mesures d’autonomie. À noter que tous les types d’établissements d’enseignement supérieur sont concernés, et non plus seulement les universités.
Cette autonomie concerne plusieurs points : l’autonomie institutionnelle, l’autonomie pédagogique, l’autonomie financière et l’autonomie en matière de ressources humaines.
Une meilleure information pour l’orientation des lycéens ?
Patrick Hetzel était député il y a encore de cela quelques mois. À ce titre, « sur le terrain », il a pu constater « que les lycéens se posaient beaucoup de questions sur leur avenir ».
Une première solution consisterait alors à « leur donner des informations pertinentes pour la prise de décision » et « les rassurer ». Il estime également que l’enseignement supérieur doit renforcer son rôle de « levier du développement d’égalité des chances ». Entre les lignes : il entend peut-être casser le phénomène d’autocensure de certains jeunes, ainsi que l’inégal accès à l’information, quant à l’orientation postbac, d’un milieu à l’autre.
Le ministre de l’Enseignement supérieur aborde également la question de l’insertion professionnelle. Il confie se pencher sur le sujet depuis vingt ans, avant de déclarer : « C’est une impérieuse nécessité que de se préoccuper de l’insertion professionnelle ».
Rendre compte des nombreux débouchés qu’offrent les études de médecine
Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, Michel Barnier, plaçait « la lutte contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants » parmi les priorités du Gouvernement. Le ministère de l’Enseignement supérieur est aux premières loges de cette entreprise.
Si la création d’un Programme Hippocrate pour les étudiants en internat avait été évoquée, Patrick Hetzel entend inciter les bacheliers à se tourner davantage vers les études de médecine. « Il faut réussir à montrer que les études de santé recouvrent toute une palette de métiers passionnants », affirme-t-il.
Ce sont aussi plus spécifiquement les jeunes en milieu rural qu’il souhaite attirer vers les spécialités en santé. L’enjeu : former plus de médecins et de spécialistes médicaux, mais aussi les faire exercer dans les déserts médicaux : « Il faut trouver des dispositifs pour attirer davantage de jeunes issus de milieux ruraux, avec l’idée qu’ils pourront — potentiellement plus qu’un jeune urbain — s’installer comme médecins généralistes en zone rurale », explique-t-il.
Investir dans la recherche avec le privé
Dans son entretien avec Le Figaro, Patrick Hetzel a comparé le taux de PIB qu’investit l’Allemagne dans la recherche, à celui de la France, plus faible. Il est clair que le ministre aspire à une augmentation de ce taux. « Comment augmenter cela ? L’État n’y arrivera pas tout seul », assure-t-il. En vue : le recours au secteur privé. « Il y a chez moi cette volonté de ne pas opposer public et privé, qu’il s’agisse de recherche ou de formation », explique-t-il.
Le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ultralibéral ? Il répond ceci : « Je ne suis pas un ultralibéral. Mais pour moi, l’intérêt général, c’est aussi se préoccuper de la manière dont l’enseignement supérieur et la recherche peuvent créer de la richesse dans le pays. Ça ne doit pas être un tabou. En vérité, je ne sais pas si c’est “de droite”. »
Il a aussi confié avoir proposé à Michel Barnier que le secrétariat d’État à l’Intelligence artificielle et au Numérique soit raccroché à son ministère. « Dans cette révolution copernicienne de l’IA, les innovations viendront aussi de la recherche publique », claironne-t-il.
Les mobilisations étudiantes propalestiniennes dans le viseur de Patrick Hetzel
En avril dernier, l’ancien député LR avait porté une proposition de résolution destinée à créer « une commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur ». Elle faisait suite aux mobilisations étudiantes propalestiniennes qui avaient notamment eu lieu sur le campus de Sciences Po Paris.
Il dénonçait alors des actes antisémites, mais également une « évolution particulièrement préoccupante en cours dans un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur du fait d’une minorité agissante islamo-gauchiste qui se situe à la convergence entre le militantisme révolutionnaire d’extrême-gauche et l’islamisme ». Le tout était assimilé au « décolonialisme », à « l’indigénisme » et à « la culture importée du wokisme ».
Le ministre de l’Enseignement supérieur déclare être dans l’attente de la décision du Parlement. Il n’en démord pas : « De mon côté, je serai extrêmement attentif et vigilant pour que l’on n’assiste pas à des dérives. La science ne doit pas se confondre avec le militantisme. C’est un message à faire passer aux communautés universitaires », martèle-t-il.
En parallèle, il avait honoré de sa présence le congrès national de L’Union nationale inter-universitaire — l’UNI, une organisation universitaire française réputée d’extrême droite. À ce sujet, Patrick Hetzel se reporte à la loi Jospin qui définit les critères d’une organisation représentative des étudiants : « L’UNI en fait partie », assume-t-il.
Il préfère ensuite avoir recours à une interrogation rhétorique : « Quand l’une de ces organisations m’invite à son congrès annuel pour présenter le début de ma feuille de route gouvernementale et échanger avec 400 étudiants présents, je leur dis non ? »