À quoi ressemblera le designer de demain ? L’École de design Nantes Atlantique a présidé les échanges autour de cette question, dans le cadre de la conférence internationale de printemps Cumulus, qui s’est tenue du 3 au 7 juin 2025 à Nantes. L’établissement a accueilli les représentants des presque 400 écoles de design et d’art, implantées dans plus de 70 pays et membres du réseau Cumulus.
Accessibilité, responsabilité sociale, partenariats avec l’action publique : l’événement a été l’occasion pour les acteurs du design de dresser les contours de leur activité et de celle des futurs diplômés, à l’heure des transitions. Du climat au numérique en passant par les défis sociétaux, l’École de design Nantes Atlantique, membre Cumulus depuis 1999, a eu à cœur de rappeler le rôle que jouent les designers dans le façonnement du monde de demain. Diplomeo fait le point !
Faire en sorte que demain soit mieux qu’aujourd’hui
La vision de L’École de design Nantes Atlantique, laquelle est partagée par tous les établissements membres de Cumulus, est celle d’un designer responsable, au cœur des défis sociétaux. « Notre enjeu avec Cumulus et avec l’école, c’est de toujours enfoncer le clou d’un design indispensable à la transformation des modèles, indispensable au déploiement de nouvelles façons de vivre », explique Anne Brochard, présidente du Conseil d’administration de l’école.
« Tout ce que vous produisez physiquement ou matériellement va être manipulé par des gens et va avoir des impacts », Gilles Rougon, Design & Innovation Senior Catalyst au département Recherche & Développement d’EDF.
Concrètement, les designers ne donnent pas seulement forme à des objets et services : ils façonnent aussi le monde à venir. Pour Christian Guellerin, directeur de L’École de design Nantes Atlantique, l’activité d’un designer doit se construire autour d’une question structurante : « Comment représenter le monde de demain ? Comment représenter les usages de demain et appliquer ça aux produits, aux services et à l’ensemble de la société en général ? »
Cette nouvelle représentation du monde et des pratiques — et donc par extension les missions du designer — se pense nécessairement autour des enjeux écologiques. Christian Guellerin interroge l’usage prochain des lave-vaisselles, par exemple. Pour des questions de préservation de ressources, cet électroménager ne serait-il pas amené à être partagé entre plusieurs familles plutôt qu’être la propriété d’un seul foyer ? Cela rebat les cartes des modèles et fonctionnalités à créer.
« Ce monde qui nous est promis demain et que l’on représente, il faut lui donner un sens », Christian Guellerin, directeur de L’École de design Nantes Atlantique.
Même son de cloche pour les nouvelles pratiques liées à l’essor du digital. Le directeur de L’École de design Nantes Atlantique pense aux usages associés au lit : les utilisateurs ne se contentent plus de dormir dedans, ils attendent aussi de cet objet du quotidien qu’il leur donne des données sur la qualité de leur sommeil, par exemple.
Il ne s’agit pas seulement de répondre aux nouvelles attentes et nouveaux usages des marchés. Il faut le faire certes, mais plus encore, il faut les influencer pour qu’ils soient éthiques. « Ce monde qui nous est promis demain et que l’on représente, il faut lui donner un sens », martèle Christian Guellerin.
Une nécessaire hybridation des compétences
Pour Gilles Rougon, Design & Innovation Senior Catalyst au département Recherche & Développement d’EDF, l’objectif d’un designer consiste résolument à « changer une situation existante en une situation préférable. » Pour mener à bien cette mission, le designer ne peut pas travailler seul et se refermer sur lui-même.
« C’est quelqu’un qui est en capacité de mettre autour de la table des ingénieurs, des marketeurs, des philosophes, des sociologues ainsi que d’autres designers, et de les faire travailler ensemble sur une définition de demain, pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui », décrit Christian Guellerin, directeur de L’École de design Nantes Atlantique.
« La seule pratique du design comme métier créatif ou comme métier technique n’est plus suffisante aujourd’hui, notamment si l’on a la vocation de piloter des projets complexes », Frédéric Degouzon, directeur stratégie, recherche & développement de L’École de design Nantes Atlantique
« L’augmentation des compétences des designers depuis vingt ans, elle a été autour de cette capacité de partage et de communication […] à travailler avec les autres et à faire en sorte que les disciplines s’hybrident », poursuit-il. Partage et communication : des compétences qui devraient permettre aux designers d’accéder à des positions stratégiques en entreprise.
« La seule pratique du design comme métier créatif ou comme métier technique n’est plus suffisante aujourd’hui, notamment si l’on a la vocation de piloter des projets complexes », prévient Frédéric Degouzon, directeur stratégie, recherche & développement de L’École de design Nantes Atlantique. « Il faut un niveau de connaissance et des méthodes propres au terrain, aux usages, aux usagers et aux contextes économiques et juridiques. »
Les écoles membres de Cumulus prônent alors des cursus qui forment les étudiants à différents aspects du design, des sciences humaines et sociales, et du business. Les étudiants doivent également acquérir des méthodes liées à la recherche pour toujours plus d’expertise et de capacité à faire un pas de côté. « On veut des [designers] qui comprennent les mécanismes de la recherche, capables de mener avec une grande rigueur un travail d’investigation et d’analyse, […] de piloter des stratégies, des entreprises et des organisations et d’avoir un impact », résume Frédéric Degouzon.
Un besoin toujours plus fort de designers en entreprise
Parce que les designers sont amenés à avoir toujours plus de cordes à leur arc, ce sont des professionnels que l’on retrouve dans de plus en plus de types d’organisation : à l’hôpital, par exemple, pour travailler sur le parcours patient et l’accompagnement des familles, mais également au sein des collectivités publiques. « On vient de monter un double diplôme avec Sciences Po où l’idée, c’est de mixer les populations pour que les disciplines entrent en résonance », explique Christian Guellerin, directeur de L’École de design Nantes Atlantique.
« Les entreprises viennent nous voir avec une problématique : emmenez-moi ailleurs, j’ai besoin de trouver de nouvelles sources de valeur ajoutée, parce que je suis concurrencée », Christian Guellerin, directeur de L’École de design Nantes Atlantique.
Ce besoin grandissant en designers est lié au nouveau paradigme qui anime les entreprises : « [Il ne s’agit plus de se poser la question de] comment je fais de mieux en mieux ce que je sais faire, mais comment, avec ce que je sais faire, je suis en capacité de faire autre chose ou autrement », décrypte le directeur de l’école. C’est là même la définition de l’innovation.
« Les entreprises viennent nous voir avec une problématique : emmenez-moi ailleurs, j’ai besoin de trouver de nouvelles sources de valeur ajoutée, parce que je suis concurrencée. Notre savoir-faire particulier dans cette école, c’est notre capacité à écouter les entreprises et à les emmener sur des chemins de traverse. »
De ces réflexions menées par L’École de design Nantes Atlantique à l’occasion de la conférence internationale Cumulus 2025 — et avec la vision de plus de 400 écoles de design dans le monde — un nouveau manifeste mondial du design a été établi le 4 juin. Il a pour titre « Reaffirming design’s commitment to inclusivity, collaboration and planet-centred innovation amidst global challenges (Réaffirmer l’engagement du design pour l’inclusion, la collaboration et l’innovation en faveur de la planète, au cœur des défis mondiaux). »
Cette déclaration met en avant 5 axes majeurs d’actions :
- Le passage d’un design centré sur l’humain à un design centré sur la planète
- Une définition de la durabilité plus large, pas seulement pensée pour l’environnement, mais aussi pour l’accès et les pratiques liées aux ressources, à la nourriture, aux déplacements, à l’habitat, à l’information ou encore à la justice sociale
- Un design inclusif, collaboratif et transdisciplinaire
- Un design pluriel, riche de cultures et de traditions diverses
- L’adaptabilité à l’essor des nouvelles technologies
