Dessiner des plans, diriger un chantier, monter sur un échafaudage… ce sont autant d’actions que beaucoup associent encore à des professions masculines. Les stéréotypes de genre et l’autocensure des jeunes femmes ont la vie dure.
Si les métiers du bâtiment et des travaux publics sont encore majoritairement occupés par des hommes, le taux de féminisation du secteur avance d’année en année. Les talents féminins effectuent leur percée vers des fonctions aussi bien de support (ressources humaines, comptabilité, etc.) que vers les métiers dits de cœur d’activité.
Les femmes représentent 12 % des salariés du BTP
L’étude « La féminisation des métiers dans les secteurs du BTP en Île-de-France » qu’a publiée l’Observatoire des métiers du BTP en 2024 dresse un état des lieux de la place des talents féminins dans le secteur. Même si les données sont régionales, elles parviennent à donner une assez bonne indication de ce vers quoi tend la féminisation dans le BTP en France.
Premier chiffre à retenir : 12 à 13 % des salariés du BTP sont des femmes. Le secteur reste donc majoritairement masculin. « Mais ce chiffre progresse chaque année », assure Sandrine Ferrand, la responsable communication de l’ESITC Paris (École supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction). En 2000, cette part était estimée à 8,6 % selon la Fédération française du bâtiment (FFB).
Lentement mais sûrement, les métiers du bâtiment et des travaux publics tendent à s’ouvrir aux femmes. « Dans les métiers d’ingénierie, de coordination, de management ou de transition écologique, les femmes sont de plus en plus présentes » observe Sandrine Ferrand. « Et dans les écoles d’ingénieurs, la tendance se confirme : à l’ESITC Paris, par exemple, 35 % des étudiants sont des étudiantes », précise-t-elle, avant de poursuivre : « Plus les femmes seront nombreuses à oser s’engager dans le secteur, plus les choses bougeront vite. »
Des filières rendues peu attractives au collège et lycée
L’étude de l’Observatoire des métiers du BTP identifie l’époque du collège et lycée comme charnière au moment de décider de se tourner ou pas vers les métiers du BTP. Les filières en lien avec ce secteur seraient vues comme des voies « par défaut, dans lesquelles seuls les mauvais élèves sont orientés ».
Pour les jeunes filles, les obstacles seraient encore plus importants. Les métiers du bâtiment et des travaux publics sont encore perçus par beaucoup comme exclusivement masculins, car « physiques, salissants » et s’effectuant dans un « environnement misogyne », selon l’étude. Conséquence : un renforcement du phénomène d’autocensure des femmes « peu enclines à intégrer des environnements marqués par les hommes et qui manquent de modèles féminins », explique l’Observatoire des métiers du BTP.
Quelles spécialités du bac choisir pour travailler dans le BTP ?
« Il reste encore des idées reçues qu’il faut casser », martèle Sandrine Ferrand. « Par exemple, le fameux “le chantier, ce n’est pas pour les filles” qui est complètement faux et dépassé », illustre-t-elle. La responsable de la communication de l’ESITC Paris tient aussi à rappeler que « les conditions de travail ont évolué : les équipements sont adaptés et les équipes bien plus inclusives ».
L’étude de l’Observatoire des métiers du BTP appuie aussi sur ce point en citant la PDG d’une entreprise de travaux publics : « Il n’y a pas de différence entre les femmes et les hommes parce que le frein principal aurait pu être la force physique brute, mais on a des outils aujourd’hui qui permettent de travailler dans de meilleures conditions. »
Des carrières variées et des femmes qui visent haut
Dans l’état actuel des choses, les femmes du BTP sont davantage présentes à des postes de support (ressources humaines, comptabilité, etc.), administratifs et commerciaux qu’à des postes d’encadrement technique (cheffe de chantier, cheffe d’équipe, etc.) ou de production (maçonnerie, plomberie, ouvriers de chantier, etc.).
Cette tendance est à nuancer en fonction de la taille des structures. L’étude « La féminisation des métiers dans les secteurs du BTP en Île-de-France » de l’Observatoire des métiers du BTP met en avant une donnée parlante : plus la taille de l’entreprise augmente, plus les femmes sont présentes dans les postes d’encadrement technique et de production.
58 % des entreprises de 50 à 300 salariés et plus emploient des femmes à des postes d’encadrement technique contre 16 % des entreprises de moins de 11 salariés.
66 % des entreprises comptant entre 50 et 300 salariés et plus emploient des femmes à des postes de production contre 14 % des entreprises de 11 à 50 salariés.
Dans le BTP, les carrières sont variées. « On peut travailler en conception, en pilotage, en innovation, en environnement, sur des projets locaux, nationaux ou internationaux en bureau d’études ou sur chantier, tout est possible », insiste Sandrine Ferrand, la responsable de la communication de l’ESITC Paris.
Les femmes ont tendance à viser un niveau de qualification supérieur par rapport à leurs homologues masculins dans le secteur. Par exemple, selon l’étude de l’Observatoire des métiers du BTP, en 2021, en Île-de-France, la majorité des apprentis hommes (55,8 %) dans le secteur du BTP préparait un diplôme de niveau 3 (CAP, BEP), quand la majorité des apprenties (31,4 %) préparait surtout un diplôme de niveau 5 (bac+2).
Pour Sandrine Ferrand, les femmes sont de plus en plus nombreuses à des postes « qui demandent de la rigueur, de la créativité et une vision d’ensemble. Des métiers où technicité, écologie et innovation se rejoignent ». En ligne de mire, les activités d’ingénieure études ou structure, ingénieure environnement, ingénieure numérique, mais aussi de conductrice de travaux, chargée de méthodes, d’appels d’offres, de planification ou de performance énergétique.
« Ce sont aussi, tout simplement, les métiers où la demande explose. Les impératifs de la transition écologique et du numérique changent la donne : le BTP doit construire autrement, et les entreprises recherchent de plus en plus ces nouveaux profils chez les femmes ingénieures », conclut la responsable de la communication de l’ESITC Paris.