Ancien professeur de finance, Bernard Belletante a commencé sa carrière de directeur général à l’Euromed Management (ex Euromed Marseille) pendant 5 ans, avant de diriger Kedge. Étudiant de l'École Normale Supérieure de Cachan (ENS) il y a quelques années, il a récemment pris les rênes de la direction générale de l’EM Lyon. Dans une interview exclusive, il nous livre aujourd’hui son point de vue sur les business schools françaises, ses nouvelles missions de développement auprès de l’École de Commerce de Lyon, mais également son analyse des différentes fusions des établissements.
Monsieur Belletante, vous êtes connu dans la communauté de l’enseignement supérieur comme un Directeur-Entrepreneur. Vous mentionnez d’ailleurs dans votre interview du mois de Janvier auprès de nos confrères d’Educpros que vous préférez « développer les écoles que les manager ». En quoi consiste votre nouvelle mission de développement à l’EM Lyon ?
Dans 10 ans au plus, il n’y aura que 3 ou 4 écoles françaises capables de jouer au niveau mondial. C’est le résultat d’une simple analyse économique industrielle. L’EM LYON sera parmi elles si le management et l’ensemble des stakeholders conquièrent efficacement les nouveaux territoires mondiaux (géographiques, académiques, technologiques).
Vous fixez vous une échéance pour le succès de cette mission ? Envisagez-vous de rattacher de nouveaux établissements au Groupe EM Lyon ?
Nous avons 5 ans pour développer l’EMLYON « as a global business school ». Nous ne nous interdisons aucun rapprochement, aucune alliance. C’est d’ailleurs ce que nous venons de faire avec l’ESC Saint-Étienne.
Vous parcourez le monde à la rencontre des autres Business Schools étrangères. Quelles sont selon vous les forces et les faiblesses de nos Business Schools dans l’environnement Européen et Mondial ?
À mon sens, les forces des BS françaises résident dans leur proximité avec les entreprises, leur internationalisation exceptionnelle, leur innovation pédagogique et pour les toutes premières d’entre elles la qualité de leur recherche. Leurs faiblesses sont liées à un business modèle trop centré sur les frais de scolarité et un environnement règlementaire trop rigide et trop centré sur la France.
La liaison étroite entre les Chambres de Commerce et d’Industrie et les Business Schools Françaises ne freine-t-elle pas leur liberté de manœuvre et peut-être leur rayonnement à l’international ?
Ce n’est pas le lien avec une CCI qui pose un réellement problème. Toutes les organisations ont des « actionnaires ». Après, il suffit de savoir si la stratégie et la vision de l’actionnaire sont favorables au développement des Écoles. Le soutien de la CCI de Paris ou de Lyon est extrêmement favorable aux Écoles.
Quel regard portez vous sur le rachat du groupe ESC Chambery par l’INSEEC (propriété de Career Education Corporation puis d’Apax Partners depuis Octobre 2013) en décembre 2012 ? La cession d’écoles liées à des CCI à des fonds privés est-elle une pratique qui pourrait se généraliser dans un avenir proche ? Comment percevez-vous l’influence de fonds privés dans l’enseignement supérieur en France ?
Je n’ai pas à juger les rachats de l’INSEEC. Les fonds privés interviendront de plus en plus. Encore une fois, il suffit de savoir s’ils investissent sur le long terme, en acceptant d’investir massivement sur la recherche et l’innovation, ou sur le court terme en privilégiant un retour sur investissement immédiat.
Parlons maintenant un peu plus de pédagogie. Avec le développement des MOOC, croyez-vous que les Business School Francaises pourront réduire le volume horaire de cours en présentiel et augmenter une pédagogie à distance ? Comment la pédagogie de nos Business School va t’elle évoluer selon vous ? Les écoles Francaises sont-elles suffisamment innovantes par rapport à leurs homologues étrangères ?
Ce n’est absolument pas un problème de volume horaire. Il s’agit d’enrichir les processus d’apprentissage par plus de bases on line, plus de qualitatif avec une meilleure diffusion de la recherche, plus d’action learning avec des coaches. Les écoles françaises sont particulièrement innovantes en pédagogie. Prenez le cas d’EM LYON qui développe un incubateur (plus de 150 projets annuels), un learning lab, un fab lab, un programme IDEA avec l’École centrale. Les étudiants sont et seront au cœur des démarches innovatrices.
On parle d’une augmentation des objectifs de recrutement d’étudiants étrangers pour les Business School Françaises. Selon vous, quelle est la bonne recette pour réussir à drainer les étudiants internationaux en France ? Comment comptez-vous vous y prendre avec l’EM Lyon ?
Je pense qu’aujourd’hui notre enjeu est d’aller dans les pays émergents, et d’être capables de créer des flux dans les deux sens.
Sans parler de la fusion, quelle est votre plus grande fierté lors de votre passage à Kedge Business School ?
La formidable aventure humaine d’Euromed Management, mais également la capacité des équipes à se mobiliser pour le changement. J’ai été incroyablement soutenu par des collaborateurs, des étudiants et des entreprises, tous engagés dans une volonté de changement économique, social et pédagogique.
Hormis Kedge ou de l’EM Lyon, quelles Business School françaises appréciez-vous particulièrement ? Pourquoi ?
Les BS françaises sont extrêmement innovantes. La diffusion de l’accréditation AACSB montre l’excellence de notre modèle. Bien sûr l’ESC La Rochelle n’est pas HEC, mais AACSB reconnaît la qualité cohérente de chacune. GEM a un formidable positionnement et l’ESC Dijon est très innovante dans ses partenariats et ses programmes. Skema, Neoma, Kedge peuvent avoir une vraie puissance de feu internationale. Comme vous le voyez, nos écoles françaises savent être, chacune à leur niveau, au maximum de leur excellence.
Si vous n’aviez pas choisi l’éducation et la pédagogie, que ferait Bernard Belletante aujourd’hui ?
Chef d’orchestre ! Je rêve de diriger un opéra, qui est pour moi la forme de spectacle qui prend le risque maximal. Orchestre, décors, chœurs, solistes, chanteurs et tous au centième de seconde près !