« Des pièces un peu banales deviennent exceptionnelles ». Ces quelques mots de Marie Cherifi, la directrice de l’école MODART International, résument l’évènement qui a pris d’assaut La Caserne, vendredi 19 avril dernier. C’est ce même lieu, situé dans le Xᵉ arrondissement de Paris, qui avait accueilli l’éphémère Hôtel Mahfouf de l’influenceuse Léna Situations, l’été passé.
Cette fois, l’incubateur de mode responsable a rassemblé environ 200 personnes pour le défilé PopCycling de l’école de mode du 15ᵉ arrondissement. Les étudiants inscrits en master 1 Stylisme et modélisme ont donné une seconde vie à des vêtements du Secours Populaire de Paris. Leurs créations ont ensuite donné lieu à une vente aux enchères caritative au profit de l’association.
L’upcycling pour une mode « plus propre et pour tout le monde »
Le projet PopCycling a été porté par la soixantaine d’étudiants du master 1 Stylisme, modélisme et management de collection de l’école. Toute l’année, ils alternent entre une semaine de cours appelée « séminaire » et un mois en milieu professionnel. C’est lors d’un séminaire en février dernier que le Secours Populaire de Paris et l’entreprise Commitment, spécialisée dans la réutilisation de déchets textiles, ont présenté aux étudiants de quatrième année leur prochain défi : transformer en pièces de mode des vêtements d’un stock dormant de l’association.
Lors des séminaires précédents, les étudiants avaient pu créer autour des thématiques du sport ou du cuir, par exemple. À l’instar de celui à l’origine de PopCycling, un autre séminaire à portée solidaire avait eu lieu avec l’association Kymba qui agit pour les jeunes atteints de leucémie. « Il s’agissait de penser à la façon de s’habiller quand on est à l’hôpital, de façon à avoir un peu de joie au milieu de tous les traitements », explique Marie Cherifi.
« La mode peut rendre beau et faire rêver, mais elle est aussi sociétale », poursuit la directrice de l’école MODART International. « Avec ces nouvelles promotions, on est sur une génération qui veut donner du sens à son futur métier. Il est aussi de notre devoir de prévenir nos étudiants que la mode doit évoluer ».
Près de 200 euros d’enchères pour une veste revisitée
Des touches de rouge, des notes estivales et printanières, du denim brodé, des patchworks, des fils et des franges… Chaque look présenté lors du défilé exprimait un message ou une histoire en lien avec le Secours Populaire. Quand des textures « douces et moelleuses » peuvent exprimer la notion du refuge, pour les broderies, ce sont plutôt l’entraide et la solidarité qui sont mises en avant.
Le travail de déconstruction et reconstruction a également été omniprésent sur les silhouettes conçues par les étudiants. Il représente les déchirures de la vie et le dépassement des obstacles. « Si la vie te donne des citrons, fais-en une limonade » s’exclame alors une étudiante au moment de présenter sa tenue pour les enchères. De leur côté, les fleurs et les cœurs sont aussi des motifs redondants lors du défilé. Les premières représentent l’émancipation des bénéficiaires ; les autres, l’amour et la convivialité.
Parmi les pièces qui ont fait le plus grimper les enchères, on retrouve une veste en jean large avec des manches bouffantes. « On s’est inspiré du témoignage de Zara, d’origine libanaise et qui a été aidée par le Secours Populaire. Elle est cuisinière et travaille pour aider toute sa famille », révèle le duo d’étudiants qui a recréé cette pièce. « On nous a souvent dit qu’elle avait de l’or dans les mains alors, on a repris cette idée en ajoutant des broderies sur la veste au niveau des manches ».
Une autre pièce a eu beaucoup de succès. Il s’agit d’un long manteau oversize avec du vinyle et du patchwork que l’on doit à Margot et à son binôme. « Avec cette pièce, on a voulu mettre en valeur les populations oubliées ou invisibilisées, liées aux sous-cultures comme la culture punk, notamment ». La jeune femme révèle aussi les coulisses de cet évènement : « On a tous travaillé en symbiose, le défi étant de rassembler toutes nos idées en un seul défilé ».
Pour Margot, évidemment, l’upcycling répond à des préoccupations écologiques contemporaines, mais également à ses réalités pécuniaires de jeune créatrice. « Je pense qu’en tant qu’étudiant, on travaille forcément beaucoup avec l’upcycling. Il m’arrive de récupérer des chutes et des stocks dormants de marques dans des entrepôts pour les réutiliser. On est obligé de faire avec nos moyens d’étudiants. C’est une manière de créer à moindre coût ».
À présent, c’est avec la même excitation ressentie tout au long du projet PopCycling que la jeune femme qui admire Hermès « pour l’artisanat et le savoir-faire extraordinaire », Jean Paul Gaultier « pour sa folie » et Vivienne Westwood pour son inclusivité, compte aborder le prochain séminaire : Barbie !
