Bartolomé Birlouez est le gagnant du concours Vocation Sommelier 2025, organisé par la marque Campari et encadré par l’Union de la Sommellerie française. Une dizaine d’étudiants venus des quatre coins de l’Hexagone et dépêchés par leur école hôtelière se sont affrontés.
Lors de sa consécration, le jeune homme âgé de 25 ans, qui représente l’EPMT (École de Paris des Métiers de la Table), croit d’abord à une farce. Et pour cause, la finale a eu lieu le 1er avril. Au menu : évaluation des connaissances générales sur le vin, dégustation à l’aveugle à l’écrit et à l’oral, accords mets-vins, service de champagne, présentation de son parcours personnel…
Avant de s’atteler à la sommellerie, Bartolomé est passé par trois années de prépa littéraire et un master de géographie. Pour Diplomeo, il retrace non pas la route des vins, mais son itinéraire académique !
Tu as opté pour un bac L obtenu en 2017, puis une prépa littéraire : pourquoi ces choix ?
Avant tout par goût personnel et sans forcément avoir une idée claire de ce que j’allais faire. Ce sont des profs de mon lycée et ma mère qui m’ont poussé vers la prépa. J’étais bon en histoire, en géographie et en français. Ils m’ont dit que j’avais les capacités pour réussir.
Quand je suis arrivé en prépa, je ne savais pas ce qu’était une khôlle, ni même l’ENS. Puis j’y ai passé de très belles années. Il y a eu des nuits blanches et pas mal de travail, mais j’ai pu construire plusieurs amitiés. Ensuite, ça a surtout été le moyen de satisfaire ma curiosité intellectuelle et de consolider ma culture générale. En prépa, dans toutes les matières, de l’espagnol à l’histoire, on pousse vraiment l’analyse et la réflexion assez loin.
« Si j’avais eu plus de muscles, j’aurais pu être un très bon physionomiste de boîte, parce que je cerne assez vite les gens grâce à ces grilles et capacités d’analyse. »
J’ai aussi pu gagner en confiance, parce que, même si tu reçois pas mal de mauvaises notes, mine de rien, tu te sens progresser. C’est ça qui est assez stimulant. En fin de compte, j’ai développé une sensibilité aux choses, aux gens et un rapport au monde beaucoup plus subtil qu’avant. Je dis souvent que si j’avais eu plus de muscles, j’aurais pu être un très bon physionomiste de boîte, parce que je cerne assez vite les gens grâce à ces grilles et capacités d’analyse.
Comment s’est passé l’après-prépa ? Tu as terminé en plein Covid
J’ai effectivement terminé mes trois années de prépa au moment du Covid, en 2020. C’était assez étrange : d’un coup, tu as un gros appel d’air. J’ai ressenti un vide. C’était un moment d’errance pas mal renforcé par la pandémie. Je n’avais pas de plan d’études et pas d’emploi.
Les concours de fin de prépa avaient été repoussés d’avril à juillet. À ce moment-là, je n’avais pas du tout recherché de master pour la suite, non pas parce que j’étais sûr d’intégrer l’ENS (j’ai été sous-admissible d’ailleurs), mais parce que tout semblait un peu irréel avec la crise sanitaire. Jusqu’en 2021, j’ai effectué des petits boulots. J’ai été prof de français particulier, par exemple.
En 2022, tu intègres un master de géographie : pourquoi cette discipline ?
J’ai toujours aimé la géographie. C’est surtout la cartographie en prépa qui a développé mon intérêt pour la discipline. Étudier ce pour quoi les gens habitent à tel endroit et pas ailleurs, l’impact des reliefs, etc. J’ai adoré ! En filière littéraire, on peut avoir l’impression de retrouver beaucoup de matières éthérées et là, pour le coup, l’étude des cartes était quelque chose de très concret.
« J’ai compris que je voulais être au contact du sujet, du produit. Ni derrière un écran toute la journée ni dans la théorie pure. »
J’ai intégré le master GAED (Géographie, aménagement, environnement et développement), parcours Alimentation et cultures alimentaires de Sorbonne Université. On y étudie l’agriculture, l’incidence des religions sur l’alimentation, le droit, la santé… J’ai effectué un stage de fin d’études, en M2, très formateur. Je l’ai réalisé dans une auberge du Poitou. Il y avait aussi une ferme et j’ai pu toucher à l’agriculture, au maraîchage et effectuer mes premiers services en restauration.
Ça a été un premier pas vers les métiers de bouche. Au début, je me disais que j’allais peut-être devenir chercheur ou agrégé en géographie. Finalement, j’ai compris que je voulais être au contact du sujet, du produit. Ni derrière un écran toute la journée ni dans la théorie pure.
Ton master t’offrait déjà une spécialité autour de la gastronomie. D’où te vient cet attrait pour la table ?
J’aime beaucoup cuisiner au quotidien et puis mon éducation a joué un rôle essentiel. Mon père et ma mère sont des gens assez gourmands. On a toujours eu l’habitude d’aller au restaurant. J’ai souvent été et vais souvent au marché avec mon père. On a un rapport assez épicurien à la nourriture.
« Le vin est un objet très géographique avec les différents vignobles et producteurs. Il y a aussi un côté très littéraire. Il faut décrire les vins et liqueurs, c’est absolument poétique. »
Comment es-tu passé à la sommellerie ?
J’ai eu tout un moment de doute entre la sommellerie et la cuisine et même la pâtisserie. Je me suis retrouvé dans la sommellerie parce que le vin est un objet très géographique avec les différents vignobles et producteurs. Il y a aussi un côté très littéraire. Il faut décrire les vins et liqueurs, c’est absolument poétique.
Début 2024, j’ai commencé à me renseigner sur les écoles hôtelières afin d’obtenir un Certificat de spécialisation (CS — ex-MC) sommellerie, en un an. J’ai commencé la formation en septembre 2024, en alternance. Je travaille dans une cave à vin, à Romainville.
Tu as remporté le concours Vocation sommelier 2025. Qu’est-ce que ça te fait ?
Honnêtement, je ne m’attendais pas du tout à ma victoire. Au début, je n’y croyais pas trop. La demi-finale s’est tenue le 31 mars et la finale, le 1ᵉʳ avril, à l’Hôtel de Crillon. Ce sont les beaux quartiers parisiens et il s’agit d’un lieu prestigieux. Très vite, tu peux sentir le stress monter. J’avais trouvé ma prestation assez moyenne.
« On peut y arriver sans forcément être issu d’un restaurant hyper prestigieux de la capitale. En formant son palais et en révisant un peu, c’est possible ! »
Et puis, vient le moment où les résultats sont annoncés. D’abord le troisième prix, ensuite le deuxième. Par déduction, je me suis dit « bon bah, j’ai gagné ». Je ne réalisais pas trop et tout s’enchaîne : on te file le trophée, on te dit bravo, on te prend en photo. Je me demandais : « ils sont sûrs » ? Finalement, ma pensée a été qu’on peut y arriver sans forcément être issu d’un restaurant hyper prestigieux de la capitale. En formant ton palais et en révisant un peu, c’est possible !
Finalement, quel est le fil conducteur tout au long de ton parcours ?
Je trouve que mon parcours est très cohérent et en même temps, il est très alambiqué. Je définirais mon orientation académique avant tout comme une quête de plaisir, dans le sens où c’est le fruit d’une curiosité sur le monde, même dans ce qu’il y a de plus simple. Le vin est un objet pluriel. Il convoque mon rapport hédoniste aux choses et j’arrive à y retrouver de la littérature et de la géographie.
Quels conseils donnerais-tu à un étudiant qui hésite à se réorienter ?
Avant tout, je lui dirais d’essayer et d’y aller. Ce n’est jamais trop tard et en plus, je pense que les parcours originaux sont de plus en plus valorisés. C’est vrai que ce n’est pas toujours facile de changer de cursus, notamment pour l’argent et le temps investis, mais pour savoir ce qui nous plaît, je me dis qu’il faut s’informer et tenter le coup.
« Je considère que ce n’est jamais grave de se rendre compte qu’une voie empruntée n’est pas la nôtre en fin de compte »
Pour ma part, je ne me suis jamais dit que telle ou telle voie n’était pas la mienne. Je n’ai pas eu le sentiment de renoncer à quelque chose quand je me suis réorienté. Je me suis juste dit : « J’ai envie de faire ça, j’ai envie de faire ci. » Je considère que ce n’est jamais grave de se rendre compte qu’une voie empruntée n’est pas la nôtre en fin de compte. Tout mon parcours a été un cheminement assez suave, assez doux.
« Je pense que l’important, c’est vraiment de faire quelque chose que l’on aime »
Aussi, j’aime ce que je fais. Je ne suis pas chirurgien cardiaque, je ne sauve pas des vies, mais mon activité a du sens pour moi. Je pense que l’important, c’est vraiment de faire quelque chose que l’on aime et qui n’ajoute pas de la pénibilité à son existence.