Ce projet présenté par l’école IMT Mines Albi a remporté le prix « du projet le plus original » au concours Ingénieuses organisé par la CDEFI. Diplomeo a rencontré Dr. Élise Vareilles, qui nous explique comment l’idée du projet lui est venue et nous parle de son engagement pour la féminisation des métiers de l’ingénierie au sein même de son école d’ingénieurs et de l’association Elles Bougent, dont elle est marraine.
La Maison de la RATP a accueilli, le vendredi 17 mai 2019, la cérémonie du Prix Ingénieuses et les gagnantes de la neuvième édition ont été annoncées.
Ce concours annuel fait partie actions mises en place de la part de la CDEFI (Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d’Ingénieurs) pour l’égalité des sexes. Un constat a été fait sur le manque de femmes dans les écoles d’ingénieurs et dans le secteur en général. « L’opération Ingénieuses » a été créé pour promouvoir les formations et les métiers de l’ingénierie aux jeunes filles, favoriser l’égalité femmes-hommes ou encore susciter des vocations chez les filles dans ce domaine encore masculin. Selon une étude du ministère de l’Enseignement supérieur, il faudrait attendre l’année 2075 pour que le nombre de femmes ingénieurs soit équivalent au nombre d’hommes.
#ImindTheLiberty a été lancé par le Dr. Élise Vareilles, enseignante-chercheuse à IMT Mines Albi et Elena Cismaru, responsable emplois et carrières dans l’école, en partenariat avec le Musée Toulouse-Lautrec. Ce projet vise à mettre en parallèle les œuvres d’Henri de Toulouse-Lautrec et les métiers scientifiques et techniques des femmes d’IMT Mines Albi, en proposant une approche artistique, scientifique et décalée. Ce peintre albigeois a représenté des femmes de son époque (fin du 19ème siècle) et provenant de différentes classes sociales. Ainsi, la mise en scène d’une trentaine d’œuvres a été reproduite afin de mettre en lumière et de proposer un nouveau regard sur le travail de femmes scientifiques et engagées, du 21ème siècle.
Qu’est-ce que ce prix représente pour vous et pour l’école ?
Pour l’école, cela représente l’aboutissement d’un projet audacieux mis en place pour faire faire la promotion des métiers techniques et scientifiques auprès des filles. C’est un moyen de faire bouger les mentalités, car le fait de gagner ce prix permet d’être plus visible sur ces thématiques.
Comment vous est venue l’idée d’allier sciences et art ?
C’est principalement l’idée d’Elena Cismaru. Quand ; il y a deux ans, on nous a demandé d’essayer de mettre en place des actions originales pour promouvoir la place des femmes dans les organisations scientifiques et techniques, nous nous sommes demandées ce que nous pouvions faire au niveau local. Albi est connu pour deux choses : la cité épiscopale qui est placée au patrimoine mondial de l’UNESCO et le musée Toulouse-Lautrec. Nous avons pris contact avec le musée pour leur proposer de participer à ce projet et les équipes nous ont donné leur accord à partir du moment où ils avaient un droit de regard sur les oeuvres. Le musée Toulouse-Lautrec nous ainsi a proposé une trentaine d’œuvres sur lesquelles nous avons fait notre marché.
Comment avez-vous choisi les modèles et les profils ?
Nous avons une trentaine de modèles, qui sont à la fois féminins et masculins, dont certains font partie du comité de pilotage d’IMT Mines Albi.
Certains nous sont venues naturellement. Il y a des tableaux où nous nous sommes dits que c’était forcément un tel ou une telle. Pour d’autres, nous avons essayé de représenter la diversité des métiers provenant de différentes catégories qui sont présents à lMT Mines Albi : les doctorantes, les techniciennes et les enseignantes-chercheuses, le personnel administratif féminin. Nous sommes très contentes, car nous avons réussi à couvrir tous les métiers.
Pour l’exposition, quand et où comptez-vous la faire ? Quel public visez-vous ?
Le vernissage aura lieu le 10 septembre à IMT Mines Albi, l’exposition sera accessible à nos étudiants et étudiantes et nos partenaires industriels. Nous sommes en train de discuter avec le musée Toulouse-Lautrec, pour qu’il héberge temporairement l’exposition. Dans ce cas, nous allons toucher un public beaucoup plus large. A priori, on devrait aussi exposer au niveau régional, dans des collèges et des lycées. Grâce au prix « Ingénieuses », d’autres écoles et des entreprises nous ont contacté, nous ont complimenté et étaient intéressées pour l’exposer dans leurs locaux dès qu’elle serait prête. Donc ce sera une exposition itinérante.
Comment expliquez-vous que votre école attire autant de filles ? 40 % c’est élevé pour une école d’ingénieurs.
Il y a beaucoup de facteurs. L’école propose des options en bio et énergie mais aussi un double diplôme apprenti pharmacienne qui attirent beaucoup de filles dès le départ. Puis en première année, elles découvrent d’autres domaines comme la mécanique ou le génie industriel et s’y orientent naturellement. L’apprentissage attire aussi de plus en plus de filles, elles sont plus nombreuses en statut apprenti qu’en étudiant. En tout elles représentent presque 40 % au total alors que la moyenne nationale est à 27,2%.
Vous, personnellement, que faites-vous comme actions dans ce sens, avec l’association Elles Bougent ?
Je suis marraine Elles Bougent, j’interviens dans des collèges et des lycées au niveau d’Albi et de la région du Tarn. Je vois des collégiennes et des lycéennes, et je discute avec elles. J’essaye de participer à des afterworks avec des collègues de Toulouse, qui sont dans le milieu industriel. Je tente de recruter chaque année, à la rentrée, des étudiantes et apprenties qui seraient prêtent à adhérer à Elles Bougent et à m’aider à couvrir le département pour qu’elle partage à leur tour, leur expérience.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans l’association ?
J’ai toujours été, depuis toute petite, très embêtée par l’inégalité et l’inéquité entre le traitement des filles et des garçons. J’ai la quarantaine et quand j’étais petite je voulais être pompier mais les femmes n’avaient pas accès à cette profession. C’est quelque chose que je trouvais très injuste.
Le fait que les filles aient les mêmes droits que les garçons est profondément ancré en moi. Je ne milite pas pour qu’elles soient toutes ingénieurs ou techniciennes, mais qu’elles ne se mettent pas de barrières et qu’elles osent faire des choses.
Si le Ministère de l’Éducation avait une action à mettre en place en priorité, qu’est-ce que se serait ?
Pour moi, c’est sociétal. Il est nécessaire de diversifier au maximum les activités qu’on propose aux enfants, les garçons peuvent jouer à la cuisine et les filles peuvent bricoler leur vélo. Je pense qu'on doit passer par cette ouverture et ce, dès la naissance. Mais je suis optimiste, les jeunes générations adoptent de plus en plus cette vision, ils sont beaucoup plus sensibles sur ces questions. Ça prendra du temps mais je pense que la société va évoluer.